Troudair Revolutions

Fil d'info en continu sur les conséquences de la fin du monde qui a eu lieu le 15 décembre 1999.

18 décembre 2009

Descendre

Deux mois après sa sortie, le livre "Les Travaillants" vient de récolter sa première critique, disons "hard-core".

Pas positive, mais pas franchement négative non plus, le débat fait rage entre mon éditeur et moi pour savoir si celle-ci doit figurer dans la rubrique "presse" du site.
Moi, je suis partisan du "oui", car malgré tout, derrière la prose ampoulée, le titre vraiment foireux et le fond franchement hargneux, je suis plutôt séduit par la description radicale du livre.

Après tout, "Les Travaillants", c'est pas de la limonade, ou du moins, j'ai essayé de faire en sorte de provoquer ce type de réaction, alors j'aurais plutôt tendance à me réjouir d'avoir réussi à obtenir l'effet voulu.

Là où le texte n'atteint pas son objectif pourtant, c'est que l'horreur dépeinte est censée nous faire haïr ce monde des Travaillants... mais pas le livre lui-même.

Quoi qu'il en soit, et comme de toute manière, on ne cherche pas vraiment à se départager, Presque Lune et moi, j'ai décidé de soumettre cet article à l'avis populaire. La question que je vous pose est donc simple, amis lecteurs : "après avoir lu ça, avez-vous envie d'acheter le livre ?"



Moi, franchement, oui.

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27 mai 2009

WJ Spot #1 Paris

J'étais invité aujourd'hui à parler de mon expérience du web dans le cadre de la manifestation WJ-Spots #1 à la Maison des Métallos.
Comme je ne peux pas m'y rendre, j'ai préparé une vidéo qui sera diffusée à 15 heures cet après-midi. Tout le dispositif sera visible en direct ici : http://www.selfworld.net/

Malheureusement, les interventions étant limitées à 15 minutes (de célébrité ?), j'ai été obligé de zapper ma réponse à la dernière question posée.

Voici donc la vidéo tronquée, pour le moment, en attendant que Dailymotion valide la vidéo intégrale (au delà de 20 minutes, la mise en ligne nécessite une validation...).



0///// Qui êtes-vous ? Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?

Je suis Grégoire Courtois, mais beaucoup me connaissent surtout sous le pseudonyme de Troudair.
J'ai un parcours anarchique entre fac de cinéma, intermittent du spectacle, théâtre, littérature, musique. Aujourd'hui, je travaille à la diffusion de textes de théâtre contemporains à Auxerre. Il y a deux ans, j’ai aussi dirigé la programmation d’arts numériques à Evry, au sein de la scène nationale de l’Agora et pour le festival SIANA.
Mais pour ce qui nous concerne, j'ai créé mon premier site web en 1997... et j'ai acheté mon premier modem en 98. Oui... bizarrement, j'avais une telle fascination pour ce que présageait le web que j'ai commencé à manier le HTML avant même de surfer. Enfin... pas tout à fait, mais j'y reviendrai.
Sur le web donc, j'ai d'abord diffusé mes productions off-line (musique, photos, texte, etc) puis rapidement, j'ai commencé à m'amuser avec l'outil. Au travers des listes de discussion, des forums (ce qui était plus ou moins la même chose en fait), et un peu plus tard des jeux online.
Rapidement aussi, j'ai intégré l'équipe de Fluctuat.net comme une sorte de mercenaire avec carte blanche sur une série d'éditos, puis sur des articles qui parlaient à peu près de ce que je voulais.
Rétrospectivement, je m'aperçois que je ne peux pas citer une chose en particulier ou un secteur d'activité ou une œuvre qui pourrait résumer mon parcours. J'ai fait des tas de choses, rencontré des tas de gens fabuleux, mais tout ça s'est fait à un instant t. Aujourd'hui, je peux parler de mes réalisations, tommytommy, l'agent airhole, le lo-fi covering orchestra, arsonore.net, résistance vidéo, mais tout ça est bien loin. Le web, c'est le présent. On y commente rarement les archives. Tout ça pour dire... Ça fait bizarre de revenir sur le passé.


1 ///// Vous vous intéressez au réseau depuis des années. D’un point de vue artistique que s’est-il passé pour vous ces 15 années sur Internet? comment avez-vous perçu, vécu et traversé la naissance et l’adolescence du web ?

D'un point de vue artistique, ce sont pour moi 15 ans de liberté totale.
Dans ma vie, Internet arrive à une jonction importante qui est le passage de l'adolescence à l'âge adulte. A cet âge là, on pense beaucoup à son avenir, à son "orientation" dirait le monde enseignant. Et pour les personnes comme moi qui ont une fibre artistique, on se heurte à une réalité violente : pour être artiste (ou musicien, ou cinéaste), il va falloir passer par un système de validation. Tes ainés vont te juger, estimer ton potentiel et te donner un ticket. Soit tu seras admis, auquel cas tu auras ta chance de peut-être éventuellement essayer d'en faire un métier, soit tu seras refoulé, auquel cas tu peux tirer un trait sur cette partie de ta vie et transformer tes rêves en hobbie. Ce que nous montrent aujourd'hui les émissions de télé-réalité dites "artistiques", c'est exactement ça. Il n'y a rien de nouveau. Les auditions, les éliminations, ça a toujours existé. La différence, c'est que maintenant, cette grande mascarade subjective est publique et décomplexée. A cette époque donc, soit on obtenait un ticket bleu, et on avait le droit de rendre son travail public, soit un rouge, et sans demi-mesure, on ne montrait pas son travail, à part à Mémé le dimanche. En fait, on n'avait pas d'autre choix que d'exister par le biais d'un système ou de disparaitre.

Internet a permis, m'a permis, de me débarrasser du jour au lendemain de ces systèmes de validation. Et les gens que j'ai rencontrés à cette époque là en ligne étaient dans le même cas que moi. C'est à dire qu'il ne s'agissait pas de vieux artistes aigris qui venaient là en désespoir de cause, mais au contraire de gens qui, politiquement et artistiquement, ne voulaient pas s'embarrasser des systèmes de validation. Car ce qu'il faut avoir en tête aussi, c'est que ces systèmes de validation ont un énorme inconvénient, c'est qu'ils obligent les artistes à produire des œuvres qui soient plus ou moins en adéquation avec l'atmosphère ambiante. Dans ce genre de système artistique, c'est l'auto-censure qui règne, et personne ne risquera de proposer un travail qui soit radicalement différent de ce qui se fait déjà. L'avant-garde était donc le fait d'artistes déjà établis et reconnus. Cette désintégration des systèmes de validation a donc engendré (et je ne parle même pas de net.art) des œuvres en profusion de la part d'artistes qui se répondaient les uns aux autres, qui s'émulaient les uns les autres, et dont la production pouvait atteindre des degrés de radicalisme ou d'hermétisme (ou de légèreté outrancière aussi) qui n'auraient jamais passé ne serait-ce que le palier d'une galerie, d'une maison d'édition ou de disques. J'ai ressenti ça de manière très forte avec des blogs collectifs comme La Chambre des Demoiselles en tant que spectateur, et tourgueniev.com en tant que participant. Il s'est passé des choses sur ces sites tellement fortes que je ne vois vraiment pas comment j'aurais pu accéder à ce type d'émotions artistiques sans le web. Idem pour des listes de discussion où j'ai pu entrer en contact avec des idées, des opinions, des sensibilités qu'il m'auraient été impossible d'approcher autrement. La liste de discussion du GFIV par exemple, qui regroupait des gens comme Frédéric Madre, Bobig, Clément Thomas de pavu.com, Captain Pat, Vincent Marmitte, etc. Ça fait vraiment partie des moments puissants de ma vie, artistiquement et intellectuellement. Et ça s'est passé uniquement en ligne.

Deuxième point, tout aussi important, c'est le timing. Parce qu'en plus de supprimer les intermédiaires entre l'artiste et le public, le web a supprimé le délai qui séparait une œuvre de sa diffusion à grande échelle. Finies les démarches pour imprimer un livre, en faire la publicité, le distribuer. Idem pour les films, les photos, la musique. On avait entre les mains un outil d'une telle puissance qu'il permettait de montrer le soir au monde entier une œuvre dont on avait eu l'idée le matin même. On postait un message sur une liste de discussion, et on avait 200 ou 300 personnes qui regardaient notre travail, qui en parlaient parfois. Ils aimaient, ils trouvaient ça nul, peu importe. Ils avaient vu quelque chose qu'ils n'auraient jamais vu si le web n'avait pas existé.

En ce qui me concerne, la synthèse de tout ce que je viens de dire, je l'ai vécue avec Laurent Rollin, alias sumoto.iki, quand on a créé arsonore.net
Ce site a été pour moi la quintessence de cet état d'esprit. D'un côté, on avait une production massive, textuelle, musicale, graphique et de l'autre, tous les sujets qu'on traitait étaient en prise directe avec l'actualité. On sortait un album de 10 mp3 en réaction à une info qui était tombée deux ou trois jours plus tôt. Et tout ça était présenté dans un écrin de webdesign ultra-radical, hermétique et à mille lieues des tendances à la simplification intuitive du web. Sans compter les collaborations multiples, avec les artistes italiens sur le projet PACE(X)ROMANA ou français sur le projet 35h. C'est simple, ce qu'on a fait avec arsonore.net ne pouvait pas avoir lieu ailleurs. Et ça n'était même pas du net.art. C'était un art tout à fait conventionnel, musique, images, vidéos, textes, mais dont le fond et la forme ne pouvait exister que sur le web. Ailleurs, ça n'avait aucun sens.

2 ///// Quelle est pour vous la portée de la notion de réseau? d’un point de vue social, politique, artistique, philosophique comment le réseau a-t-il modifié notre rapport au monde, à l’espace et au temps, nos usages, nos pratiques, notre façon d’être, de travailler, de penser, de partager, d’échanger, de collaborer, de créer…

Puisqu'on est dans le passé, je vais remonter un peu loin pour être bien compris. En fait, dans mon parcours, le web n'arrive chronologiquement qu'en deuxième position dans mon expérience des réseaux. Peu de gens s'en souviennent, mais avant le web, il y avait le minitel. Ça peut paraitre ringard de parler de ça aujourd'hui, mais avant 95, le minitel, ça n'était pas seulement les pages jaunes et 3615 ULLA. Moyennant un peu d'équipement informatique et un peu (beaucoup) d'argent, on pouvait, à cette époque là, créer son propre serveur minitel. On appelait ça des serveurs RTC et ces serveurs offraient des services qui n'avaient rien à envier à Usenet à la même époque. Il y avait des forums, des chat-rooms, tout ça accessible par un numéro de téléphone fixe non-surtaxé.
J'étais au lycée quand avec un ami particulièrement riche, on a lancé notre propre serveur RTC. Déjà à l'époque, on était politiquement très marqués à l'extrême gauche, et l'objectif était ni plus ni moins une insurrection générale, au moins à l'échelle de notre établissement scolaire. Le serveur s'appelait "Pump up the volume", en référence à un film avec Christian Slater dans lequel le héros montait sa propre radio amateur et semait dans son école les graines de la révolte. Durant toute la durée du projet, on était anonymes bien entendu.
Rapidement, des tas d'élèves se sont connectés pour discuter, échanger, et nous, on profitait de tout ce monde pour monter des actions dans le lycée. Ce qu'on faisait il y a 15 ans, c'était ni plus ni moins que les flashmobs qu'on voit aujourd'hui, à la différence peut-être qu'elles étaient un peu plus engagées. On encourageait au vandalisme par exemple. Et pour rameuter encore plus de sympathisants, on faisait imprimer des autocollants avec le numéro de téléphone du serveur et on demandait à tout le monde d'en coller sur tous les murs et toutes les tables du lycée.
Bien sûr, tout ça n'a duré qu'un temps, parce que rapidement, la direction du lycée a porté plainte et la police n'a eu aucun mal à tracer le propriétaire de la ligne téléphonique. Moi, je suis passé entre les gouttes, car mon camarade ne m'a pas dénoncé, mais lui a été jugé et a écopé d'une amende pour dégradation de bien public. La jurisprudence de l'époque était encore très
floue concernant l'expression sur les réseaux et c'était tout ce qu'avait trouvé le juge pour l'incriminer. Au final, le lycée l'a embauché pour prendre en charge sa communication graphique...

Là où je veux en venir, c'est que le web, en ce qui me concerne, n'a été que la suite logique de cette première expérience des réseaux. Dès le début, ce que j'y ai vu, ça a été un outil qui me permettait premièrement de fédérer en dehors des réseaux traditionnels, deuxièmement d'agir à moindre frais et avec une économie d'énergie. Écrire, imprimer et diffuser un fanzine, c'était passionnant, mais extrêmement laborieux ! Pour moi, la chose la plus flagrante qu'a apporté le réseau global, au-delà de son aspect artistique, c'est sa capacité à produire de l'information dissidente.

Je ne crois pas que le réseau ait modifié notre rapport à l'espace, ni au temps. Je crois que sa réalité s'est ajoutée à ce qui existait déjà. Par exemple, je ne supporte pas quand la télé ou les instituts de sondage parlent des "internautes". Un internaute, ça n'existe pas. Il y a des gens, des citoyens, des individus, des plombiers, des artistes, et ces gens utilisent le réseau. Ça ne fait pas d'eux une catégorie à part. C'est un peu comme si on appelait les "téléphonautes" tous les gens qui ont un téléphone, et qu'ensuite, on dessinait des tendances sur ce qu'ils pensent, la manière dont ils agissent. Ça paraitrait complètement stupide, et pourtant, c'est largement admis par tout le monde quand on parle d'internet. On veut nous faire croire que l'internaute est une race à part pour mieux effacer le fait que tous les gens qui utilisent le web sont des citoyens dont la parole a autant de poids que celle de ceux qui ne l'utilisent pas.
Internet n'est pas un lieu où sont cachés des tordus qui n'ont pas d'autre vie qu'en ligne. Internet n'est pas un lieu du tout. C'est un moyen de diffusion (des idées, des œuvres) et de communication. Parler d'Internet comme d'un espace virtuel, c'est faire le jeu de tous ceux qui voudraient en réduire la portée. J'ai des tas d'amis avec qui j'ai toujours discuté en ligne et que je n'ai jamais rencontrés, mais à aucun moment je ne considère que ces gens sont virtuels, que la relation que j'ai avec eux est un jeu, ou a moins d'importance que celles que je pourrais avoir avec un type à la terrasse d'un café. En ce qui me concerne, ce qu'Internet a changé dans mon rapport au monde, c'est la possibilité de toucher et de rencontrer un plus grand nombre de personnes plus facilement, et de fait, d'être en contact avec une variété de pensées et de sensibilités plus large. Mais au fond, le processus est le même sans le web. Je fais exactement la même chose sans clavier. Je le fais juste avec le lourd handicap que sont les structures sociales, les codes comportementaux et la pénibilité des distances.

3 ///// Dans le futur le web sera t-il encore un territoire intéressant à explorer, pensez vous qu’il sera un terrain fertile pour la création, pensez-vous qu’il génèrera ou produira des formes hybrides où le monde physique et le monde virtuel fusionnent, se frottent et se télescopent?

En fait, je suis assez pessimiste sur l'avenir de la création sur le web. Bon, ça fait dix ans qu'on dit que le net.art est mort, et c'est une telle tarte à la crème que j'hésite un peu à le répéter. Mais intimement, j'ai quand même la sensation qu'un virus a pénétré le réseau. Comme je l'ai expliqué, il m'a semblé que pendant toutes ces années, on a essayé de créer et d'échanger en dehors des codes traditionnels. Avec l'avènement du web 2.0 et de ce qu'on appelle les réseaux sociaux, quelque chose de très important s'est perdu, d'après moi, et cette chose, c'est le surf.

Autrefois, on surfait. On voguait de liens en liens jusqu'à atteindre des informations ou des créations qu'aucun moteur de recherche ne nous aurait jamais pondu. Aujourd'hui, à part les blogsrolls qui bien souvent tournent en rond, on trouve de moins en moins de pages de liens sur les sites perso. Bien entendu, il y a aussi de moins en moins de sites perso. Facebook et Myspace ont gobé et lissé toute créativité, si bien que bon nombre de gosses aujourd'hui n'imaginent même pas qu'il puisse y avoir autre chose que les sites institutionnels sur le web. Ils se connectent, branchent MSN, écrivent leur skyblog, publie leurs vidéos sur Youtube, rejoignent un groupe sur Facebook, écoutent de la musique sur Myspace, point final. Je n'ai rien contre les systèmes qui simplifient la vie aux gens qui ne s'y connaissent pas trop, mais là où le bât blesse, c'est quand ces systèmes n'ouvrent pas de portes et se contentent de reproduire à l'identique les aliénations qui existaient sans le web. Voilà. Le web 2.0, largement dominant aujourd'hui dans les usages des jeunes, c'est le contraire de la création, c'est la reproduction à l'identique. On reproduit des tribus, des communautés, des groupes sociaux, des ghettos en fait, dont l'interpénétration est très très limitée, voire inexistante.

Et quand on parle de l'avenir de la création sur le web, on ne parle pas de nous, mais des gamins qui auront 18 ans dans 5 ou 10 ans. A ce moment de l'histoire du web, je pense vraiment que tout sera tellement aplani et aseptisé par les systèmes simplificateurs style Blogger et consorts que tout restera possible, mais que plus aucun gosse de passera du temps à chercher. On pourra toujours prendre un Javascript et faire crasher le navigateur de la personne qui visite votre site, mais plus personne ne le fera et si quelqu'un le fait, personne ne visitera ce site. Je ne suis même pas sûr que dans 5 ou 10 ans, de nouveaux sites perso se créeront. Il ne restera plus que nous, les vieux fossiles qui tapent du HTML dans Notepad.

Mais attention, je ne suis pas en train de dire que ça m'attriste, ou que c'est regrettable. Je trouve même ça plutôt bien que le web cesse d'être le web et qu'il devienne aussi naturel qu'un coup de fil ou qu'un interrupteur. Ça voudrait dire que la frontière virtuelle n'existe plus. Que les luttes en ligne auront la même valeur que les autres, que la parole publiée en numérique aura le même poids que celle publiée sur du papier et qu'il n'y aura plus un ghetto de net-artistes, mais juste des artistes. Allez savoir, peut-être même, enfin, qu'on ne parlera plus des "internautes" dans les médias, mais juste de citoyens, tout simplement. Plus de l'outil qu'ils utilisent pour s'exprimer, mais juste de ce qu'ils ont à dire.

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15 février 2009

Ces lieux où j'aimais me rendre - récit aléatoire

Mise en ligne de mon dernier projet, à base de texte, de braise et de PHP, les uns fonctionnant difficilement sans les autres.

C'est un récit fragmenté. C'est la pensée brûlée d'un pyromane.
C'est une expérience de la langue et de la lecture.
C'est ce qui reste après combustion.

Ces lieux où j'aimais me rendre

J'en parlerai probablement plus en détails dans les jours à venir. Mais dans l'immédiat, pour le lecteur, la confrontation avec le texte est ma seule invitation.
Et pour les plus curieux, rendez-vous sur la postface complète.
Bonne lecture.

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06 février 2009

Au lecteur

Comme on me l'a suggéré, je vais publier ici un texte dégoté au cours de recherches liées à mon métier. Depuis quelques semaines, je suis plongé dans l'étude du théâtre du XVIe et XVIIe siècles, et à la recherche d'un candidat français qui puisse tenir la route face à Shakespeare à la même époque, je suis tombé sur un individu étonnant : Alexandre Hardy (1570 (ou 72) - 1632, sans certitude).

Bien vite, j'ai compris que Hardy n'avait pas grand chose de commun, malheureusement, avec ce vieux William, mais malgré tout, je me suis pris d'une certaine affection pour ce personnage qui avoue avoir écrit plus de 600 pièces de théâtre, dont seulement une quarantaine ont été imprimées et 34 effectivement parvenues jusqu'à nous. Ni bon, ni mauvais, Hardy écrivait du théâtre comme beaucoup d'auteurs de son temps (y compris Shakespeare) : pour vivre. C'est ce qui explique son imposante production, et peut-être aussi le fait que ses pièces n'ont jamais trouvé le souffle qui aurait pu en faire des monuments de la littérature dramatique française, pour peu qu'il passe quelques heures de plus à les concevoir.

En feuilletant donc les cinq tomes du Théâtre d'Alexandre Hardy, publiés entre 1624 et 1628, et grâce à la magie des sublimes bibliothèques modernes que sont Gallica et Google Books, j'ai trouvé cette note, "Au lecteur", imprimée en introduction du tome 5, et qu'on peut, par bien des aspects, encore approuver aujourd'hui.

La voici, ci-dessous, après que je l'ai eue retranscrite et aménagée dans un français un peu plus lisible. Pour ceux qui voudraient jeter un œil à l'original, ou ceux qui ne se rendent pas compte de la manière d'écrire de l'époque, rendez-vous ici.

Les passages en gras sont ceux que je souligne plus particulièrement.

AU LECTEUR
par Alexandre Hardy

publié en préface au Tome 5 de son Théâtre (1628)

J'userai volontiers, lecteur, pour évoquer ma profession, de la confidente réplique que Phocion fit au peuple athénien, lorsqu'il affirma être celui que l'Oracle avait désigné comme le seul à résister à tous les autres, au sein de la République.

Sache que c’est l'honneur qui me fait m’exprimer ici, afin d’éclairer les crédules qui croient voir des poètes en certains seulement capables de concourir pour le prix de l’ignorance, composé pour eux d’une couronne de chardons.

Cette méprise prouve, à mon avis, que selon l'habitude française, une infinité de cerveaux mal faits attribuent la perfection des choses à leur nouveauté, et n'en pèsent les mérites qu'à la balance d'une faveur aussi inique qu'imprudente.

Pour preuve de mon dire, la Tragédie, le plus grave, laborieux, et important de tous les autres poèmes - que ce grand Ronsard feignit de heurter de crainte d'un naufrage de réputation – est pratiquée aujourd'hui par certains qui jamais ne virent seulement la couverture d’un bon livre, qui à l’ombre de quelques lieux communs pris et appris en Cour, s’imaginent avoir la pierre philosophale de la Poésie, et que quelques rimes plates et entrelacées de pointes affinées dans l'alambic de leurs froides conceptions, feront autant de miracles que de vers chauffant les planches.

D'autres aussi, que l'on pourrait nommer excréments du Barreau, s'imaginent que de mauvais avocats peuvent devenir de bons poètes en moins de temps que les champignons ne croissent, et se laissent tellement emporter à la vanité de leur sens et aux louanges que leur donne la langue charlatante de quelque écervelé d'Histrion, que ces misérables corbeaux profanent l'honneur du Théâtre de leur vilain croassement, et présument être sans apparence ce qu'ils ne peuvent jamais espérer avec raison, jusqu'à bâtir autant que possible sur les ruines de la bonne renommée de ceux qui ne daigneraient avouer de si mauvais écoliers.

Or, afin qu’en peu de lignes je te crayonne et te répète mon sentiment sur ce en quoi consiste la perfection de la Tragédie, et pour montrer combien ces mauvais archers tirent loin du but, je dirais que le sujet de tel poème, étant comme l'âme au corps, se doit de fuir les extravagances fabuleuses, qui ne disent rien, et détruisent plutôt qu'elles n'édifient les bonnes mœurs. Que le vrai style tragique ne s'accorde nullement avec un langage trivial, avec ces délicatesses efféminées, qui pour chatouiller quelque oreille courtisane mécontenteront tous les experts du métier. Que quiconque se soumet dans un tel ouvrage aux tyrannies de nos derniers censeurs, détruit le privilège de l’honneur que la vénérable antiquité lui avait donné. Que la disposition, ignorée de tous nos rimailleurs, règle l'ordre de ce superbe Palais, qui n'est autrement qu'un labyrinthe de confusion, sans issue pour ces monstres d'auteurs.

La grâce des interlocutions, l'insensible douceur des digressions, le naïf rapport des comparaisons, une égale bienséance observée et adaptée aux discours des personnages, un grave mélange de belles sentences qui tonnent en la bouche des acteurs et résonnent jusqu'en l'âme du spectateur, voilà ce que mon faible jugement a reconnu depuis trente ans comme étant les secrets de l'art, interdits à ces petits avortons aveuglés de la trop bonne opinion de leur suffisance imaginaire.

Et s'ils t'objectent que mes écrits franchissent souvent la borne de ces beaux préceptes, leur vue te prouvera qu'entre six cents poèmes et plus de ce genre, aucun ne s'égare plus du bon chemin que le plus poli des leurs, pour peu qu'un arbitre capable et sans passion veuille se prononcer là dessus.

Paie-toi, lecteur, de ces raisons comme de bon aloi, et qui furent de mise entre ces plus renommés Grecs, Latins et Italiens, qui élurent jadis le Théâtre au trône de la perfection, sans t'amuser à l'apparence extérieure de ces inventions bizarres et chimériques à la mode.

Autrement tu imiterais ces petits enfants, qui estiment plus la peinture d'une pirouette, que les plus vives couleurs et les plus beaux traits du meilleur original de Michel Ange.

Quant à moi, cette consolation du sage Athénien me demeure, que ces faibles cervelles qui m'auront autrefois condamné en l'accès de leur frénésie, m'absoudront un jour à leur resipiscence. De plus, tout ceux à qui la dépravation du goût fait trouver mes viandes mauvaises, les laisseront à de moins difficiles et à de plus judicieux qui m'en sauront gré.

Alexandre Hardy

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06 janvier 2009

Prélude au crépuscule

Nouvel agencement de photos et texte.
Janvier 2009
http://troudair.free.fr/crepuscule.html

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22 décembre 2008

Flux tendu

Petite information pour ceux que ça intéresse.
Je serai le prochain invité du projet InstantS, publié par panoplie.org
Sur une demande d'Annie Abrahams, que je remercie ici publiquement, après l'avoir fait en privé, je vais donc occuper la page d'accueil de Panoplie pendant un mois.

Le principe d'InstantS est simple.
Une petite fenêtre, un espace de liberté, approvisionné en temps réel par l'invité. Texte only.
A l'aide d'un ordinateur ou de mon téléphone, je vais donc envoyer des phrases, des textes, je sais pas trop quoi encore, et mes élucubrations seront diffusées immédiatement à la vue de tous les visiteurs du site qui n'avaient pourtant rien demandé.

Plusieurs de mes amis sont déjà passés par là, et vous pouvez lire leurs interventions, si bien que je me demande bien comment je vais pouvoir faire différent dans ce long sillage...

Tel que j'envisage cette proposition, je pense que ce sera simplement le prolongement direct de mes réflexions actuelles, ce qui tombe plutôt bien puisque ce que j'écris en ce moment est de facture assez lapidaire, elliptique et fragmentée. Ce système de diffusion s'avère donc parfaitement approprié.

Bien entendu, une fois ce mois passé, mon intervention sera lisible, comme les autres, sur le site.
En illustration, j'ai d'ailleurs mis celle de mon camarade Jacques Perconte, parce que le bougre est bien le seul à avoir réussi à faire quelque chose de graphique avec du texte...

[Mise à jour : pour une consultation plus rapide du flux, voici le lien RSS]

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16 décembre 2008

La tentation du connu

Dans la somme de projets d'écriture que j'ai sous le coude, un certain nombre concerne, sous une forme ou une autre, des adaptations.
Élucubration biographique sur un personnage célèbre, transposition dramaturgique d'un film ou d'un livre, variations sur un fait divers, voire même nouvelle traduction d'ouvrages.

Les idées sont à chaque fois plaisantes, l'impact assuré, et c'est justement ce qui me fait douter.

Parce qu'au moment, par exemple, où Bernard-Marie Koltès écrit "Le jour des meurtres dans l'histoire d'Hamlet", en 1974, la situation médiatique n'est pas celle d'aujourd'hui. Le name-dropping n'existe pas, l'émission Big Brother est inconcevable, et seuls quelques visionnaires comme Warhol comprennent que bientôt, n'importe qui pourra devenir riche et célèbre pour peu qu'il se trouve dans le bon vortex au bon moment, sans que cela n'ait aucun rapport avec son "talent" ou sa "valeur" éventuelle.



S'attaquer, à l'époque, à la réécriture d'un classique, ou à l'utilisation d'un fait divers contemporain pour en faire un matériau d'écriture (comme par exemple avec "Roberto Zucco", toujours de Koltès - quoique cette pièce, à mon sens, représente la limite temporelle au delà de laquelle tout changea), n'est pas directement pris comme un "coup médiatique", mais d'abord pour ce que c'est : l'utilisation non-voilée du réel culturel collectif comme matériau, au contraire d'un réel biographique personnel, base de travail traditionnelle de l'artiste.

A cette époque aussi, même si les combats des ayants-droits en tout genre font déjà rage, la sur-protection du droit d'auteur reste malgré tout dans des limites relativement acceptables, en particulier parce que l'industrie culturelle ne brasse pas les milliards d'aujourd'hui et qu'un nom (d'auteur, d'œuvre) n'est pas encore une (trade-)marque dont la seule utilisation garantit un revenu minimum.

On produit moins, mais de manière plus variée, et les ventes d'un produit culturel, quel qu'il soit, sont circonscrites dans des limites géographiques assez strictes. Seules quelques exceptions parviennent à devenir des succès planétaires, mais pour que cela se produise, il faut une adhésion publique et critique unanime très rapide, sans que le marketing et l'argent investi soient des données représentatives dans l'équation de ce succès. La mondialisation est embryonnaire, les cultures spécifiques à chaque pays puissantes et diverses, et il ne suffit donc pas d'une artillerie médiatique pour plaire au monde entier, surtout qu'à ce moment, l'artillerie en question est beaucoup moins efficace et rodée qu'aujourd'hui.



Ainsi, les pratiques telles que la fabrication de produits dérivés ou le sponsoring sont marginales et si elles permettent de (faire) vendre, ne sont pas considérées comme des poules aux œufs d'or.

Dans ce contexte donc, s'il prend à un jeune auteur d'utiliser comme base de travail une œuvre déjà existante, celui-ci ne sera jamais suspecté de vol ou de malhonnêteté. D'abord parce que les auteurs ainsi repris, ou leurs ayant-droits, trouveront logiquement le geste flatteur, ensuite parce que cette utilisation ne sera à aucun moment un gage de succès commercial, et si tant est que ce soit le cas, on parlera alors de montants bien ridicules.
C'est pour ça qu'on n'a pas dit au jeune Orson Welles adaptant "La Guerre des Mondes" à la radio qu'il s'était servi de HG Wells et l'avait spolié. Pas plus qu'on n'a dit à Leonard Bernstein et Arthur Laurentz que "West Side Story" ne valait rien car l'histoire s'inspirait de "Roméo et Juliette" dans les grandes largeurs.

En revanche, si aujourd'hui, j'écris une pièce de théâtre sur l'histoire vraie d'un Poilu de 14-18, vous pouvez être sûrs que sa famille foncera direct chez ses avocats pour évaluer combien ils pourront me soutirer. Encore pire si je décide, au hasard, d'adapter Harry Potter à la scène. Là, ce ne sont pas des avocats qui vont débouler chez moi, c'est carrément le GIGN...

Et au-delà de l'aspect purement administratif du droit d'auteur, il y a aussi fort à parier que mon œuvre elle-même sera d'emblée dépréciée, car jugée non comme une œuvre, mais en premier lieu comme une opération commerciale.

Aujourd'hui, s'emparer d'une œuvre pour l'adapter et en donner sa vision, est automatiquement suspect. Car l'aura médiatique est désormais quantifiable en dollars et citer une marque (auteur, œuvre, célébrité quelconque), c'est s'approprier d'un peu de cet aura, d'un peu de ce pouvoir d'attraction du public, et donc, au bout de la chaîne, d'un peu de son argent.

Il y a des mots, des noms propres, qui aujourd'hui sont des artefacts puissants.
Manier "Star Wars" ou "Paris Hilton" revient à manier des épées mythiques capables de tuer des armées aussi bien que leur porteur.

Et c'est pour ça que malgré mes nombreuses idées, j'hésite toujours à me lancer dans un projet d'adaptation. Non pas parce que je crains de la manquer, mais parce que je crains que mon geste soit vain car qualifié d'emblée comme malhonnête. Et en premier lieu des choses qui m'importent quand je débute un projet, c'est le fait que sa réception soit la plus pure et la plus fluide possible, de l'émetteur vers le récepteur.

Alors je résiste à cette tentation, et j'attends d'être riche et célèbre. Car médiatiquement parlant, la seule parade contre ce jugement a priori - cette accusation de vol - c'est de n'avoir pas besoin de voler. Et si Spielberg veut réaliser le dernier film d'Harry Potter, personne ne lui dira que c'est pour se faire du fric, ou pour profiter du succès du petit sorcier. On se dira juste alors qu'il avait quelque chose à dire, cinématographiquement parlant, sur cette œuvre.

Tous les autres, d'emblée, n'ont pas ce droit.

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11 novembre 2008

Tout seul

Amis de la poésie, du bon goût et de la bienséance, bonjour.
Comme je l'annonçais il y a quelques semaines, je me suis mis à travailler sur un nouveau projet musical.
Le grand cycle des "chansons bâclées" débute donc aujourd'hui avec un premier bootleg enregistré en condition live dans mon studio secret.

Ca s'appelle "Tout seul", et c'est extrait de l'album à paraître bientôt intitulé "Hôtel Kyriad".

Dans cet album introspectif et ténébreux, je raconte mon expérience des hôtels bas de gamme que j'ai eu l'occasion de fréquenter autrefois.

Je rappelle à ceux qui ne connaissent pas le principe que les chansons bâclées doivent répondre à deux critères précis :
- avoir des paroles écrites en moins de 10 minutes
- avoir une musique écrite en moins de 10 minutes

Sans plus attendre donc, voici "Tout seul" au format mp3
et les paroles, bien sûr :

Tout seul
Je sors du boulot, enfin, c'est pas trop tôt !
Mes collègues habitent à 50 bornes alors ils traînent pas.
Et puis au fond j'avais vraiment pas envie de les voir,
alors c'est pas plus mal !
Je vais à Carrefour faire des courses,
parce que si tu veux manger dans ta chambre d'hôtel
t'as intérêt d'y penser à l'avance
ou alors c'est le resto, mais ça va pas non ?
Un pack de bière et des sandwichs mous, ça fera bien l'affaire.
En plus ça évite d'acheter des couverts.
Je traîne dans les rayons, y'a pas un dvd à 2 euros ?
Si y'a rien à la télé, ça passera le temps.
Pas besoin de me presser,
de toute manière, personne ne m'attend.

Tout seul à l'hôtel
on est à la fois content
et à la fois pas content.
Tout seul à l'hôtel
on est à la fois heureux,
et à la fois malheureux.


A 19 heures dans ta chambre, tu fais quoi ?
Obligé de regarder des trucs débiles à la télé
et boire des bières dans 3 mètres carré.
Au milieu d'une zone industrielle fermée
pas vraiment d'endroit où aller s'amuser.
Le temps passe lentement et le wifi est en rade
alors il reste plus qu'à envoyer des sms
auxquels personne ne répondra,
mais c'est ça la liberté, tu sais ?
Pas de compte à rendre ou de vaisselle à faire,
si tu veux être bourré à 9 heures et avoir envie de vomir
en regardant "Aliens contre Predators",
personne te le reprochera.

Tout seul à l'hôtel
on est à la fois content
et à la fois pas content.
Tout seul à l'hôtel
on est à la fois heureux,
et à la fois malheureux.


Résultat il est 2 heures du mat, et tu regardes un film érotique sur M6
et t'as beau être bourré, cette fille qui s'agite, elle est vraiment pas crédible.
Tu te demandes si pendant le tournage ils font des gros plans de pénétration
et ensuite au montage ils font deux versions, une pour M6 et une pour Canal +.
Tu pourrais penser à des trucs plus intelligents, c'est sûr,
ou écrire des chansons sur ton expérience des hôtels,
mais à ce moment-là, tu n'y penses pas,
et tu remets ton film en gueulant encore plus fort
pour encourager les Aliens qui vont mettre la pâté
à ces lopettes de Predators.

Tout seul à l'hôtel
on est à la fois content
et à la fois pas content.
Tout seul à l'hôtel
on est à la fois heureux,
et à la fois malheureux.

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20 octobre 2008

Assis ! Debout ! Couché ! (vidéo)

Oui, je sais, c'est pas trop tôt...
Mais l'incrustation du texte m'a pris un peu de temps (quelque chose comme... 50 heures), et je ne vous cacherai pas que je suis très content d'avoir fini.
Un petit conseil, si vous avez une bonne connexion, activez le bouton HQ pour voir la vidéo. La résolution sera largement meilleure et la lecture plus facile.



Le texte en .pdf est ici :
Assis ! Debout ! Couché !

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19 octobre 2008

Les Travaillants

Enfin en ligne, le roman indispensable de l'automne.
Possibilité de commander un exemplaire papier via Lulu.com

Bonne lecture.
http://troudair.free.fr/lestravaillants/

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25 août 2008

Une aire

Suite et fin de mes photos de vacances.
C'était sur le chemin du retour, et on s'est arrêté pour se dégourdir les jambes.
Moi, je suis resté sur le parking en fumant une clope.
Assis au même endroit, pendant une dizaine de minutes, j'ai pris une cinquantaine de photos. "Une aire" en est une sélection.

Une aire

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17 août 2008

Visions d'une plage

Variation à base de texte et d'images réalisée durant les quelques semaines que je viens de passer dans le sud.
Cela faisait plusieurs années que je n'étais pas retourné, en bon touriste, sur une plage où s'amassent les populations avides de chaleur et de cancers de la peau.
Le résultat, vous le remarquerez, n'est pas subtile, ni brillant. Le résultat, c'est la démission de la pensée. Le résultat, c'est le néant.

Visions d'une plage

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28 juin 2008

Assis ! Debout ! Couché !

Parfois, il m'arrive d'être pris de panique face au temps qui passe.
Enfant du monde moderne, éduqué aux cadences infernales et à la peur de l'oisiveté, je regarde où j'en suis dans mes projets, et je désespère de ne pas aller plus vite, voire pire, de ne rien avoir à faire.
Théoriquement, vous le savez, je passe mon temps à combattre cette idéologie du travail et l'aliénation qui y est associée, mais concernant mes activités personnelles, artistiques ou autre, j'ai encore beaucoup de mal à rester là à ne rien faire, et simplement savourer le temps qui s'écoule.

Le fait qu'il faille attendre des mois pour avoir une réponse concernant l'édition peu probable des Travaillants me plonge donc dans une torpeur assez désagréable, si bien que je me suis spontanément mis à l'écriture d'autre chose. Tout naturellement, il ne fallait pas que ce "quelque chose" soit un roman ou un projet collectif. Trop long à mettre en place, et donc à rendre public. Et sans vraiment y réfléchir, j'ai commencé un texte inspiré par l'un de ces mails publicitaires qu'on reçoit, et qui proposent des formations de coaching. Celui-ci en particulier s'appelait "Réussir sa prise de parole en public", et ce titre m'a paru porter en lui un univers tout entier.

J'ai donc écrit, assez vite, un monologue intitulé "Debout !", destiné à être joué très vite devant un public. Attention, il ne s'agit pas de parodie de conférence, mais bien d'un texte "littéraire" assené sur scène. Mon idée, par ailleurs, était d'utiliser pour ma voix la fameuse pédale de Loop avec laquelle je m'amuse depuis quelques mois.
Le résultat m'est apparu assez convainquant, si bien que j'ai rapidement ajouté à ce monologue central deux autres censés l'encadrer (comme on encadre une photo).

Au final, j'ai donc matière à une performance d'une quarantaine de minutes intitulée "Assis ! Debout ! Couché !" et que je présenterai début septembre prochain à Paris, puis je l'espère, ailleurs en France.

Je vous tiendrai au courant ultérieurement des dates et lieux exacts, mais en attendant, si vous connaissez, près de chez vous, un lieu de diffusion alternatif que ce type de performance peut intéresser, n'hésitez pas à me mettre en contact.
J'ai trop été frustré de mes précédentes expériences de ce type où des mois de travail et de répétitions aboutissaient à une seule date de présentation. Cette fois-ci, je compte bien produire ce texte plus d'une fois.

Et de mon côté, j'ai deux mois pour apprendre tout ça... Vive les vacances.

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01 juin 2008

Aurores de la matière morte (version longue)

Comme promis, voici la version longue de mon article "Aurores de la matière morte", écrit pour la revue Chimères.

Deux versions disponibles :

version web
version .pdf (346Ko)



Ce qui me fait très plaisir, et qui m'emplit aussi de fierté, c'est que toutes les thèses que j'avance dans cet article, écrit en janvier dernier, sont confirmées par le dernier film de Georges Romero, "Diary of the Dead", qui sortira le 25 juin prochain sur les écrans français. L'axe moral que j'ai exploité, "peut-on tuer le mort ?", et qui constitue la colonne vertébrale de cet article, est à mon sens celui utilisé par Romero dans ce cinquième volet de la saga des morts-vivants. L'image finale en particulier, que je ne dévoilerai pas pour ceux qui compte découvrir cet excellent film, pose la seule et unique question qui obsède le réalisateur depuis 1968.

Bonne lecture donc.

Note : Que ceci ne vous empêche pas d'acheter la revue, car je suis loin d'être le seul à avoir écrit et les autres articles sont particulièrement passionnants.

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20 mai 2008

Retravailler

Je suis en train de lire le théâtre de Maeterlinck en ce moment, et dans sa préface, le poète explique pourquoi il n'apporte que peu de modifications à ses textes une fois la rédaction achevée.
Ceci n'est pas un message botanique.

"Le texte de ces petits drames que mon éditeur réunit aujourd'hui en trois volumes, n'a guère été modifié. Ce n'est point qu'ils me semblent parfaits, il s'en faut bien, mais on n'améliore pas un poème par des corrections successives. Le meilleur et le pire y confondent leurs racines, et souvent, à tenter de les démêler, on perdrait l'émotion particulière et le charme léger et presque inattendu, qui ne pouvaient fleurir qu'à l'ombre d'une faute qui n'avait pas encore été commise."

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19 mai 2008

Matière morte et revue vivante

Initialement, si je n'avais pas traîné des pieds depuis des semaines, j'aurais dû travailler à la mise en page d'un article intitulé "Aurores de la matière morte" en vue de sa mise en ligne sur ce site.
Mais Travaillants et autres problèmes techniques (saloperie d'ordi) m'ont fait prendre un retard fou, si bien que Chimères m'a devancé. Sur le blog de cette revue, on peut donc déjà trouver des extraits agrémentés de vidéos de mon article qui sera publié dans le numéro 66/67, "Morts ou vifs", à paraître en juin prochain.

Pour résumer brièvement, puisque le petit article le fait déjà très bien, il s'agit d'un article comparatif des deux films "Dawn of the Dead", réalisés respectivement par Romero en 1978 et Zack Snyder en 2004. J'y aborde la figure du zombie d'un point de vue essentiellement moral.

J'en profite pour remercier les membres de la revue Chimères pour avoir accepté ce texte, ainsi que Mathias Richard, de Caméras Animales, pour m'avoir invité à participer.

Je mettrai en ligne, dès que ce sera prêt, une version longue et illustrée de cet article, dont il a été nécessaire, papier oblige, d'amputer... une bonne moitié.

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12 mai 2008

Bande-son toute faite

Comme je l'ai dit, j'ai demandé à plusieurs musiciens de concevoir la bande-son imaginaire des "Travaillants".
Pourtant, j'aurais pu me contenter de musique déjà existante.
Et je pense en particulier à 1h50 de musique instrumentale que j'écoute en ce moment, et qui ferait une très bonne ambiance aux évocations nihilistes du monde moderne des Travaillants.
C'est l'avant-dernier Nine Inch Nails, qui est sorti de manière un peu confidentielle, juste avant "The Slip", mais qui n'en est pas moins bon.



Ca s'appelle "Ghosts I-IV" et cet album a été conçu en 10 semaines par Trent Reznor et sa bande, en improvisation quasi-totale.
Ce qui devait être un petit EP de 5 titres s'est transformé en titanesque bande-son organique d'une incroyable puissance évocatrice, bien plus à mon avis, que les albums très travaillés du groupe.
Sur son site, Reznor affirme que cet album instrumental n'est qu'un premier pas, et qu'il y aura d'autres Ghosts. J'ai hâte.

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08 avril 2008

Leçon n°1 : Haïr la Chine

Voilà tout ce que m'inspire le passage de la flamme olympique à Paris.
Mais pour ceux qui n'auraient pas compris, je vais essayer de résumer brièvement.

Depuis plusieurs années, il est évident que la Chine s'impose comme un adversaire commercial de poids, en compétition directe avec les forces occidentales telles que l'Angleterre, les États-Unis ou la France. Et dans le système capitaliste compétitif dans lequel nous vivons, un adversaire se doit d'être anéanti à court, moyen ou long terme. C'est exactement le plan qui se profile aujourd'hui, mûri dans les think-tanks américains les moins finaux, et qui, il y a sept ans, ont fait pression pour que Pékin obtienne les Jeux Olympiques.

L'idée est limpide : transformer la Chine en Irak, et tous les Chinois en Saddam Hussein, ce qui autorisera, à terme, une éventuelle intervention militaire sur le méchant Empire du Milieu.

Cette opération de communication sur plusieurs années passe par une diabolisation à tous les niveaux des Chinois et de leurs conditions de vie.

Première étape : on rappelle des jouets Mattel pour bien montrer que le géant du jouet est responsable et sérieux, alors que ces salopards de sous-traitants chinois sont vraiment des salauds.
Deuxième étape : on tente d'éteindre la flamme olympique en hurlant que le Tibet doit être libre et que ces salopards de Chinois sont vraiment des chiens anti-démocratiques.

Tout ça, soyons clairs, n'a aucun autre effet que celui d'attiser la haine du Chinois, et sûrement pas de défendre la démocratie. Car pour reprendre ces exemples, le premier n'est rien d'autre que la découverte d'un bouc émissaire bien pratique qui dédouane Mattel de ses responsabilités, alors que bon... cette multinationale n'a jamais eu rien d'autre en tête que de faire du profit sans jamais se soucier des conditions dans lesquelles étaient produits ses jouets. Ils rappellent leurs produits avant que quelques morts d'enfants les mettent sur la paille, mais de là à dire que ce sont de parfaits démocrates, n'exagérons rien...

Deuxième exemple, cette foutue flamme, bloquées aux cris de "Libérez le Tibet".
Bon, oui, vous êtes gentils, messieurs les manifestants, mais
1 - la liberté du Tibet, on la réclame depuis bien longtemps et tout le monde s'en branle. Et je parie que dans un ou deux ans, une fois que les Jeux seront passés, on s'en branlera tout autant. Beh oui... ça fera plus passer à la télé...
2- l'indépendance du Tibet n'est plus vraiment le problème à l'heure actuelle en Chine, maintenant que la situation démographique ne permet plus une indépendance totale. Vous comptez faire quoi des Chinois qui vivent au Tibet depuis 40 ans ? Les foutre dehors ?

Bref, le problème du Tibet est, à mon avis, un problème annexe, entièrement lié à l'instauration d'une démocratie en Chine. Que la Chine devienne une vraie démocratie, et le problème du Tibet n'en sera plus un.

Dans une vraie démocratie, en effet, le Tibet deviendra, soit une province chinoise conservant son identité culturelle à l'instar de nos Ch'tis ou de nos Bretons, soit une province autonome comme nos Alsaciens ou nos Corses. Imaginer aujourd'hui que le Tibet puisse être un état indépendant est aussi illusoire que se dire que la Palestine puisse être aujourd'hui un pays uni, sans tenir jamais compte des Israéliens présents sur place.

Là où je veux en venir, c'est que je suis proprement écœuré par les manifestations actuelles contre la flamme olympique. D'abord parce que de mon point de vue, cette putain de flamme devrait être éteinte à tout jamais, plutôt que de promouvoir les valeurs poisseuses de l'olympisme : compétition, sponsors, gloire du corps parfait et de l'État et des sociétés qu'il représente. Ensuite parce que la machine à l'œuvre actuellement n'est rien d'autre qu'une manipulation de masse destinée à nous faire haïr la Chine et le Chinois pour mieux justifier les horreurs que nous allons leur faire subir dans un avenir proche.

Au jour d'aujourd'hui, les Chinois sont en train de mettre commercialement la main sur la totalité des matières premières de cette planète. C'est ça, et uniquement ça qui inquiète les marchands occidentaux. Rien d'autre, et sûrement pas la démocratie, qu'eux-mêmes ont du mal à mettre en œuvre, et qui au fond, n'est rien d'autre qu'un obstacle au marché.

En commençant à prendre conscience que dans 50 ans, ceux qui sont aujourd'hui les rois du pétrole ne seront plus rien, car il n'y aura plus de pétrole, ces futurs ex-maîtres du monde avancent déjà leurs pions, et cette campagne anti-chinoise, précédant de peu la campagne anti-indienne à venir, n'est rien d'autre que le premier pas vers les opérations armées qui décideront de la suprématie des matières premières de cette planète.

Nous sommes dans une guerre commerciale et déjà militaire. Elle a commencé. Et en guise de message à tous les mous du genou qui aujourd'hui s'indignent qu'un athlète sponsorisé par Nike saute plus loin que celui sponsorisé par Reebok, en Chine ou ailleurs, je n'aurais qu'une chose à dire : manifestez pour que la guerre du commerce cesse de tuer, dans des proportions bien plus importantes, chaque jour et pas seulement une fois tous les quatre ans.

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07 avril 2008

Work in progress : le papier

Plus j'avance dans la rédaction des "Travaillants", et plus se pose un problème auquel je pensais avoir répondu depuis longtemps, et qui est celui de l'édition.

Parce que d'ordinaire, la question ne se pose pas.
Adepte des formats courts, mes diffusions en .pdf sont parfaitement appropriées aux types de textes que j'écris. Soit très courts, donc lisibles sur écran, soit moyennement courts, donc facilement imprimables sur quelques pages A4 de la photocopieuse du bureau, mes textes, jusqu'à présent, n'avaient aucunement besoin de la technique, relationnelle et artisanale, d'une quelconque maison d'édition.

Pourtant cette fois, "Les Travaillants" prend de l'ampleur, et du volume, et l'hypothèse de le diffuser uniquement en .pdf sur ce site m'apparaît de plus en plus comme l'équivalent de le jeter purement et simplement par la fenêtre.
Qui ira imprimer les quelques 300 000 signes (disons environ 150 pages sous Word) de ce texte ? Et pour commencer, qui a imprimé et lu la totalité de "Monochrome IKB n°3" déjà présenté en .pdf ici même, et de volume, disons, moyen ?
A ma connaissance, strictement personne.

Faire le mariole avec la diffusion en ligne, c'est bien mignon, mais encore faut-il que les textes soient adaptés à cette diffusion. Et si le propos exige qu'un texte dépasse le seuil de tolérance de lecture sur écran, il faut fatalement y trouver des aleternatives acceptables d'un point de vue éthique.

Car je suis en train d'écrire cette histoire, et par conséquent, je souhaite qu'on en prenne connaissance, si possible, dès qu'elle sera achevée. Je n'écris pas pour écrire, j'écris pour dire quelque chose qui me paraît important, et urgent. En tant que tels, "Les Travaillants" doivent donc, de mon point de vue, être diffusés le plus largement possible, le plus librement possible et offrir un moyen de les lire le plus confortable possible.

C'est une catastrophe éthique, en ce qui me concerne, et à laquelle je m'efforcerai de remédier dans mes textes à venir, en faisant en sorte qu'ils n'aient plus besoin de passer par cette case, mais cette catastrophe est inévitable et doit être affrontée ouvertement, et non pas niée. Je sais aujourd'hui, à ce stade d'écriture (un peu plus de la moitié du projet), que Les Travaillants devront faire l'objet d'une édition papier, un travail que je ne peux décemment pas demander à mes lecteurs. Et "édition papier" signifie toutes sortes de concessions aux intermédiaires qui mèneront à bien cette édition, à commencer par l'abominable aveu d'impuissance, le lamentable parcours rampant qu'est celui de la recherche d'un éditeur.

Je reste traumatisé par ce genre d'expériences, vécues dans une autre vie, à cette époque où armé de scénarios de courts ou longs métrages, je courais les boites de production pour mendier quelques francs qui me permettent de réaliser n'importe lequel de ces films. Ecoeuré, humilié, recouvert de dizaines de lettres de refus, et de dizaines d'entretiens négatifs, je me suis alors rendu compte qu'écrire un scénario n'était au fond qu'écrire sur le vent, et que tout le travail accompli n'était rien si le film n'était jamais réalisé.

C'est réellement ce qui m'a poussé, d'un côté à faire de la vidéo, c'est à dire des films, tout seul, sans l'aide de personne, et de l'autre à écrire des textes qui, de par eux même, pouvaient être diffusés et compris.

Cette attitude et cette politique artistique autonome, je l'ai depuis maintenant plus de 10 ans, sans jamais envoyer un manuscrit à une maison d'édition, ni une vidéo à quelconque festival, et le simple fait de m'imaginer que dans quelques mois, quand les Travaillants sera un texte achevé, j'aurais à démarcher pour le faire éditer, à me vendre, à mendier, à tendre ma petite main rachitique devant le regard d'éditeurs blasés voyant chaque jour des centaines de penauds comme moi, cette simple idée déjà me révulse et m'écoeure.

Et au fond, la seule consolation que je peux trouver dans cette perspective inévitable, c'est l'idée que le seul texte pour lequel j'aurais à me traîner sur le sol devant les lois du marché, ses apôtres et ses prêtres, c'est le texte qui, le plus profondément de tous ceux que j'ai écrit, parle de cette horreur qu'est la compétition commerciale entre les intimités des hommes, le jugement péremptoire du mieux sur le bon, du médiocre sur le mauvais, et enfin le désespoir profond et le nihilisme le plus sublime qui nous habite tous.

Peut-être que pour ça, la souillure en vaudra la peine.

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15 février 2008

Les coïncidences n'existent pas (suite)

En avril dernier, je relatais la bizarre coïncidence de date entre la lecture du texte de Lars Norén, "Le 20 novembre", et une nouvelle tuerie perpétrée par un étudiant américain, à peine 2 jours plus tard.

Il n'est pas impossible que ce texte soit maudit, au sens magique du terme, puisque je vais le lire à nouveau ce soir, et qu'hier, une nouvelle fusillade sur un campus de l'Illinois a emporté 5 personnes et blessé 18.

Merci de ne plus me demander de lire ça.

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Debriefing lancinant

Lancinant parce que la route était longue, et brumeuse, et qu'après une lecture, on aime fermer les yeux et se remémorer, au moins quelques minutes, ce qui vient de se passer, ces quelques instants partagés entre un texte qu'on porte et sa découverte par un public consentant.
Et l'autoroute encourage le procédé. Rien d'autre à faire que laisser appuyé son pied sur une pédale et bouger subtilement le volant pour épouser les courbes lentes de la route.

Alors le retour était dur, et lancinant, à mi-chemin entre la rêverie confortable et la peur de vraiment s'endormir pour finir encastré dans le pare-choc arrière d'un 38 tonnes espagnol dont la seule inquiétude au moment du crash aurait été la crainte d'arriver en retard.

Et ce matin, le jour est froid, même si le thermomètre dit le contraire, et brumeux, et lancinant lui-aussi, à cause de cette fatigue accumulée et de la perspective de reprendre la route ce soir pour une autre lecture.

D'hier, il ne reste que des bribes réjouissantes. Des images et des idées.
Les images, ce sont celles de tous les autres lecteurs, leur courage face au public, leur assurance et leur confiance en ce qu'ils disaient, parce qu'une fois dépouillés de leur trac, il restait cette immense prise de risque qu'on voyait se manifester dans les regards passionnés qu'ils nous jetaient parfois, et qui chacuns voulaient dire "croyez-moi ! Il faut me croire !". Et ça a marché. On les a cru. Et on a plongé avec eux dans l'intimité de ces textes pour la plupart inédits, rédigés dans la solitude de leur bureau, comme postés par dessus leur épaule au moment de leur conception.

Les idées, c'étaient les paysages baroques des Mutants Anachroniques, en roue libre et en mode "guide touristique d'un monde décrépi et sublime", la voix unique de Nina qui avait le même timbre quand elle devenait Catherine [et ça, c'était tellement évident qu'on n'aurait jamais pu le sentir aussi clairement en le lisant sur du papier], le ton sombre et juste de Clément qui n'était plus la même personne que celle que j'avais croisée, tremblante, juste avant la lecture, comme s'il s'était changé entre-temps, laissant au vestiaire son habit de peur et d'incertitude pour enfiler une longue tunique de tact suprême. Les idées enfin, c'était les mains de Nicolas, qui rythmaient ses mots comme s'ils n'avaient pas pu sortir sans l'ordre d'un chef d'orchestre, qui seraient restés en coulisse de peur de gâcher la symphonie en arrivant au mauvais moment, mais qui sont arrivés pile où il fallait, et dans l'ordre qu'il fallait.

Et puis pour finir, il y avait les regards du public pendant que je le lisais, spectateurs assis par terre un sourire aux lèvres, si bien que parfois, je me suis un peu senti comme un instituteur qui lisait une histoire à des élèves curieux de connaître la fin.

Et ça c'était bien, parce que le choix de ce texte (j'ai lu trois chapitres des Travaillants) avait deux objectifs. Le premier, c'était de confronter cette écriture à des juges, pour savoir si ce truc dans lequel je m'embarque vaut le coup, tout simplement. Il y a tellement de choses qui ne font rire que moi...
Et le second objectif, c'était me donner une bonne raison de continuer. Parce que les habitués de ce blog, et de mon travail en général, savent bien que j'ai mis en chantier un nombre incalculable de projets, depuis toutes ces années, et que bien peu ont été menés à terme...
Pour les Travaillants, il ne fait aucun doute que dans un futur proche, avant même la fin de la rédaction, quelqu'un d'autre, ailleurs, aura eu la même idée, et l'aura publié, et que je l'aurais vu s'en expliquer sur un plateau de télé. Et que, de dépit, j'aurais rangé tout ça dans un tiroir numérique pour passer à une autre idée dont la probabilité qu'elle aboutisse à quelque chose sera tout aussi faible.

Mais maintenant que j'ai lu ces quelques chapitres des Travaillants, publiquement, c'est la force de la politesse qui devrait me guider. Parce qu'on ne donne pas un teaser à des gens pour ensuite faire étalage de son abandon. Et cette espèce de somnolence qui me saisit quand j'arrive à la moitié d'un texte, bien blotti dans le confort d'être arrivé jusque là, sur la route brumeuse, dans le souvenir des mots accumulés idéalement, cette somnolence doit être contrée.

C'est à ça que m'a servi cette lecture d'hier, et je remercie chaleureusement Chloé pour ça, pour m'avoir pincé à ce moment de l'écriture où la route devenait floue, le chemin lancinant, et qu'à tout moment je risquais de bel et bien fermer les yeux... pour finir encastré dans le pare-choc arrière d'un 38 tonnes espagnol qui lui non plus, comme le reste du monde, n'en aurait eu définitivement rien à foutre.

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03 février 2008

Not alone

[J'ai pensé à faire ce montage suite à la rédaction d'un de mes posts sur AEIOU. Ca parle de solitude, et de cris dans le noir. Attention, une connexion conséquente est requise.]


Not Alone / 2008

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05 janvier 2008

Trois premières pistes

Comme je le disais plus bas, je ne suis pas vraiment satisfait de l'enregistrement de la voix, sur les essais de "Ne faites pas attention".
Néanmoins, comme j'ai déjà les trois premières pistes enregistrées, et qu'il n'y aura vraissemblablement pas de suite, je mets quand même en ligne le travail à ce stade.
Notez que l'idée de cet album était de ne faire qu'une seule et longue piste, au cours de laquelle la musique ne s'arrêtait jamais, et les mélodies se répondaient d'une piste à l'autre. C'est pourquoi vous ne trouverez ci-dessous qu'un seul mp3 qui contient les trois premières pistes : "Entre semelle et boue", "Demain notre enfance (1)" et "Supplique du héros".

Ne faites pas attention - 3 premières pistes / mp3 (11Mo / 12'24)

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28 décembre 2007

Ne faites pas attention

Ce projet date d'il y a tellement longtemps qu'il fallait bien finir par le sortir des cartons.
Je ne me souviens plus exactement quand j'ai commencé à écrire ces textes. Dans mon gros carnet de notes, il se situe un peu avant les textes préparatoires de "Ici vécut et fut arrêté XXX", c'est à dire autour de 2000 / 2001.
A l'origine, il s'agissait de paroles de chansons, un concept album sur le monde du travail, mais qui est vite tombé dans l'oubli pour laisser place à l'idée de resistance développée dans "Ici vécut...". Peut-être que la campagne présidentielle de 2002 y était pour quelque chose dans ce changement de cap...
Néanmoins, j'avais enregistré l'un des titres, "Eloge du béton", a capella, probablement en prévision d'une version instrumentale dans l'album à venir. Ce titre figurait d'ailleurs dans "Ici vécut", comme le teaser caché de la production qui aurait dû suivre.

Seulement aujourd'hui, devant la masse de textes et mes pauvres possibilités d'enregistrement, j'ai renoncé à faire de "Ne faites pas attention" un album "studio". J'ai certes bien essayé, mais ce projet est tellement littéraire qu'un mauvais micro pouvait facilement tout foutre en l'air. L'idée, c'était vraiment de concevoir quelque chose qui soit à mille lieues de ce qu'on considère aujourd'hui comme de la chanson, c'est à dire des paroles les plus débiles possibles et une ritournelle sympathique qui fait danser Mémé. J'avais vraiment envie de dire quelque chose avec ce texte copieux, quelque chose sur le travail et ceux qui travaillent, quelque chose sur la douleur du quotidien. L'hypothèse de sortir un album de près de 90 minutes où les textes seraient à peine audibles était donc à écarter.

Ceci étant dit, il n'est pourtant pas impossible que je prépare ces chansons pour des versions "live" à venir. Certaines d'entre elles sont d'ailleurs déjà calées, mais à moins que je passe un temps fou dans un vrai studio pour enregistrer proprement ma voix, vous ne les trouverez pas sur ce site comme mes autres productions.

Pour que malgré tout, ces textes soient lisibles, j'ai tout de même décidé de les publier ici.
Sans musique, ils fonctionnent comme des poèmes à rythme variable, et si leur aspect grossièrement lyrique peut rebuter, je suis quand même assez content de leur cohérence.
Vous trouverez tout sur cette page, et pour les plus acharnés, j'ai même fait un petit .pdf qui regroupe l'ensemble des textes ici.

Enfin, je voudrais terminer ce long post sur un extrait de la chanson "Outrage du progrès", qui, je m'en aperçois maintenant, préfigure une autre de mes idées en cours d'élaboration en ce moment.

Les journaux nous promettent
un avenir automatique,
blanc et désinfecté.
Un monde qui pourra tourner sans nous,
où il faudra s’occuper autrement
qu’en comptabilisant nos dépressions
nos RTT et nos T.S.
Nous n’aurons rien d’autre à faire
que contempler la blancheur
des rues parallèles qui brilleront
plus que nous.

Ce "monde qui pourra tourner sans nous", je suis en train de le décrire plus en détails dans un petit roman qui sera, je l'espère, terminé dans le courant de 2008.
Tout ça pour dire que si ce blog n'est pas très actif, ça n'est pas parce que je suis mort, ni parce que je n'ai rien à dire, mais bien parce que mes projets sont un peu plus imposants que d'ordinaire. Restez branchés.

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07 juillet 2007

Ici vécut et fut arrêté XXX

Je ne sais même pas si j'avais un blog à l'époque où est sorti cet album. La première édition, sortie à 24 exemplaires sur CD-R et parallèlement sur le web, a donc été plutôt confidentielle. Et pourtant, quelques inconnus sont tombés sur les fichiers et mieux... les ont écoutés ! Ca m'a valu un (seul) très beau commentaire sur le blog Fingers in the nose qui me remplit encore aujourd'hui de fierté.

Bref, comme aujourd'hui, en ce XXIe siècle galopant, l'espace disque n'est plus vraiment un problème, je peux me permettre de ressortir ces MP3 sur une page dédiée un peu moins planquée dans le deep web que la précédente et que même Google n'avait plus le courage d'indexer.

Cet album est composé de 11 chansons, écrites et enregistrées pendant l'hiver 2001-2002 dans mon petit appartement auxerrois de l'époque, et au bas duquel était fixée la fameuse plaque qui a servi de pochette au CD (sans les XXX bien sûr).

Bonne écoute, pour ceux qui découvriront cette partie de mon travail.

Ici vécut et fut arrêté XXX,
résistant fusillé par
les nazis à XXX le XXX 42

(11 mp3 libres de droit - 2002)

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01 juillet 2007

Dans la poussière blanche

C'est toujours un événement de se retrouver face à une destruction à grande échelle, puisque fatalement, la destruction d'ampleur nous renvoit obligatoirement à la nôtre.
Ce samedi 30 juin, à 11h30, j'ai assisté à la démolition des trois tours des Brichères, à Auxerre.
Cette vidéo a été prise à moins de 70 mètres des tours, c'est à dire à la limite du périmètre de sécurité.

Et puisque mon téléphone portable disposait d'assez de mémoire pour continuer à tourner, j'ai pu saisir ces images impressionnantes des quelques minutes après l'écroulement, dans un chaos de poussière blanche qui recouvre tout et tout le monde.
Il y a quelques mois, j'organisais une lecture collective dans la tour que vous voyez s'effondrer sur cette vidéo. Mais à tous les stades de la préparation, jamais ne m'étais imaginé à quel point ce que nous faisions était rempli de sens. "Lecture dans la tour avant destruction", ça sonnait bien, mais pas autant qu'après la destruction effective, quand ces lieux que nous avions investi ne sont plus aujourd'hui que des débris fumants.
C'est donc seulement aujourd'hui que je comprends ce qui s'est passé, et à quel point ce geste était proche de notre travail quotidien, en tant qu'organisateur et en tant qu'artiste... Apporter de la vie, des émotions, et du sens, dans des lieux condamnés à une prochaine destruction, et continuer à tourner, quoi qu'il arrive, même aveuglé par la poussière blanche.

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17 mai 2007

Hollywood #1 La Guerre des Mondes

"Hollywood" est ma nouvelle série sonore.
Elle parle de cinéma américain, d'images, de sons et d'idées que les multiplex nous vendent très cher en nous faisant croire que nous en avons besoin.
Et peut-être en avons-nous besoin.

Hollywood n'est donc pas une réponse, mais une question, car les films que j'étudie, comme vous, je les aime, et j'y ai trouvé du ravissement, du divertissement, ou des réflexions.
Le projet de cette série est d'aller plus loin, au fond des images, mais sans les images.

Hollywood est donc constitué de la bande-son d'un film, sur laquelle ma voix vient apporter un contre-point théorique et poétique.

Cela faisait quelques temps que je devais concevoir quelque chose pour la plate-forme sonore Radiolist.org, mais mon emploi du temps et surtout l'impression étrange que je ne pouvais plus, techniquement, concevoir de projet sonore, m'avait écarté de cette idée.
Cette série, puisqu'elle n'implique aucun travail de création musicale, mais seulement un long mixage de sources brutes, était donc le compromis idéal qui pouvait me rapprocher de l'art des fréquences.

En plus de ma page dédiée, Hollywood sera ainsi diffusée sur Radiolist.

Premier épisode : La Guerre des Mondes de Steven Spielberg.
Parce que c'est un film radical mais hors de prix, désespéré mais pas suicidaire, sinistre mais fondamentalement conservateur, un film-oxymore qui me paraissait la meilleure introduction aux épisodes à venir.

Comme d'habitude, le texte intégral de cet épisode est en ligne sur mon site.

Et pour finir, je remercie chaleureusement Xavier Cahen et Sumoto.iki, le premier pour m'avoir invité à travailler pour Radiolist, et le second pour avoir accéléré la mise en ligne et ainsi faire en sorte que Hollywood soit en ligne le jour de l'ouverture du festival de Cannes, un synchronisme qui me ravit au plus haut point.

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11 mai 2007

Un bouton sur le coude

Vous savez ce que c'est d'avoir un bouton, ou une petite blessure sur le coude ? Ou sur le genou ? C'est à dire à un endroit où la peau est souvent sollicitée, et pliée sans cesse ? Et bien c'est très désagréable, parce que le bouton, ou la blessure, qu'on fasse ce qu'on veut, ils restent, pendant des semaines, des mois parfois, entretenus par le mouvement des tissus qui empêchent la cicatrisation.
Les pires, bien sûr, sont ceux du coude, parce que malgré ce qu'on croit, on utilise beaucoup nos coudes, à commencer pour s'appuyer sur une table, ou un bureau, lorsqu'on est épuisé, ou las, ou tout simplement qu'on s'arrache les cheveux sur un ouvrage complexe... de littérature ancienne par exemple. C'est là qu'on pousse un cri, parce que s'appuyer sur un bouton, ou une blessure, dans ce genre de moments où on l'avait complètement oublié, c'est ce qui fait le plus mal. Et quoi qu'on fasse, ça ne cicatrisera pas. Et quoi qu'on tente, la blessure, ou le bouton, se rappelleront toujours à notre bon souvenir pour nous pourrir l'existence.

Et sans transition, les positions de Nicolas Sarkozy sur les études de Lettres, extraites d'une interview du quotidien gratuit "20 minutes" :

Si je veux faire littérature ancienne, je devrais financer mes études ?
"Vous avez le droit de faire littérature ancienne, mais le contribuable n’a pas forcément à payer vos études de littérature ancienne si au bout il y a 1000 étudiants pour deux places. Les universités auront davantage d’argent pour créer des filières dans l’informatique, dans les mathématiques, dans les sciences économiques. Le plaisir de la connaissance est formidable mais l’Etat doit se préoccuper d’abord de la réussite professionnelle des jeunes."

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09 mai 2007

Rappel historique

Un petit conseil aux Anti-Sarko qui manifestent tous les soirs à Paris.
Au lieu de se rendre place de la Bastille pour crier "Sarko facho, le peuple aura ta peau", je leur conseille plutôt la place de la Concorde, puisque dans les "grands événements que cette place a accueillis" (dixit notre nouveau président), il y a bien sûr l'exécution de Louis XVI.
Pour faire tomber les têtes des aristocrates, l'endroit me paraît bien plus approprié, non ?

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07 mai 2007

Coeur ouvert

La population a donc trouvé son opium, et à tous ceux qui ce matin sont consternés, rappelons que le spectaculaire d'un suffrage universel ne doit pas faire oublier que la démocratie n'a rien d'une roulette russe. Le résultat des urnes était connu, bien trop connu et depuis bien trop longtemps pour qu'on s'indigne aujourd'hui alors qu'hier aucune réelle réflexion n'aura été portée, par aucun candidat, sur les thèmes chers aux Français qui ont fait consensus depuis maintenant 2 ans, à savoir le travail et ce que les instituts de sondage ont appelé le pouvoir d'achat.

"On veut du fric, et on en veut plus", est donc plus ou moins le discours qui a fait gagner le plus populiste de 12, sans surprise, et avec une passion à laquelle lui-même semblait croire.

Pour ce premier jour des années noires que nous nous apprêtons à vivre, j'ai donc envie de présenter une nouvelle installation présentée au Théâtre d'Auxerre. D'abord, parce qu'elle est plastiquement superbe, ensuite parce que le petit texte collé en exergue s'avère d'une étrange actualité.

"S'il y a un Dieu qui régit le football, ce Dieu est surtout ironique et farceur, et Garrincha fut un de ses sujets, chargé de s'échapper de tous et de tout... Ce fut un pauvre petit mortel qui aida un pays entier à sublimer ses tristesses.
Le pire est que les tristesses reviennent, et il n'y a pas un autre Garrincha disponible. Il y a grand besoin d'un nouveau pour alimenter nos rêves."


Ce texte de Carlos Dummond de Andrade introduit donc l'installation "Manuel" de Rodolphe Cintorino, consistant en un coeur que le spectateur peut "faire battre à nouveau" en envoyant un sms au numéro indiqué.

Par cette pièce, c'est un aspect important de la politique que Rodolphe Cintorino met en avant, et de sa fusion avec d'un côté l'imagerie religieuse, de l'autre la ferveur médiatique. Nous baignons actuellement dans les deux, et sommes en quête de dispositifs susceptibles "d'alimenter nos rêves". En automne, c'est la Starac qui remplit ce rôle, où les sms remplacent idéalement l'isoloir, et tous les 5 ans désormais, c'est le suffrage universel, où l'isoloir précisement se change en dispositif interactif déclencheur d'espoir et destructeur de tristesse.

La démocratie, par contamination, en est donc arrivé à ce point d'aveuglement global, premièrement rattrapée par un capitalisme récupérateur qui trouvait dans ce curieux système le meilleur moyen d'apporter l'illusion de la liberté, puis dans un second mouvement, modifiée elle-même par les méthodes de ce capitalisme, lequel offrait "tout et tout de suite" sans avoir à trop se poser de questions, sans faire trop d'efforts ni de sacrifices, et surtout ne demandant comme investissement qu'une foi bornée en un idéal toujours plus proche de l'après-vie biblique. Un jour vous serez riches, tout le monde a sa chance... On n'est pas loin des derniers qui seront demain les premiers...

Arrivés à ce point où la majorité (et pas seulement les 53% d'électeurs de Nicolas Sarkozy) ont adhéré à cet idéal politico-religieux, inutile de se lamenter sur la recontruction des gauches, ou de diaboliser les méchants monsieurs de droite, car l'un et l'autre n'y sont pour rien, ne faisant qu'obéir à un mouvement général.

Le vrai combat aujourd'hui est le même qu'hier, et qu'il y a 5 ans, et il se situe au plan philosophique et purement idéologique. S'imaginer qu'un vote (dans une urne ou par sms) changera le monde, c'est être bien naïf et oublier que le désir profond du monde occidental était et demeure de "travailler plus pour gagner plus".

Tant que personne ne s'attaquera à cette logique, et que même les syndicats les plus à gauche y adhérerons, que même le Parti Socialiste défilera dans les rues pour "la sauvegarde du pouvoir d'achat", personne d'autre ne pourra diriger ce pays que celui qui se donnera les moyens de mettre en application ce programme suicidaire.

Voilà pourquoi Ségolène Royal avait le sourire hier soir.
Car elle était heureuse d'avoir enfin un président en accord avec ses idées de capitalisme populaire...

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27 avril 2007

Bruce Bégout - L'éblouissement des bords de route

On aura compris que je ne suis jamais en phase avec l'actualité culturelle, et encore moins littéraire. Certes j'achète des livres, mais ce sont, pour la plupart, des livres de garde, comme on parle de vins de garde, de ceux qui vieillissent dans l'obscurité des caves pour s'améliorer, ou bien devenir rapidement de sinistres piquettes. Dans ce dernier cas pourtant, tout n'est pas perdu, puisque très rapidement, à la lecture de ces ouvrages à haut degré de pourrissement, il suffit de quelques pages pour le comprendre, et l'économie de temps vaut largement l'argent investi.

Le livre de Bruce Bégout, "L'éblouissement des bords de route", est tout le contraire de ces vinaigres littéraires aux étiquettes ornées de dorures. Recueil de pensées recueillies lors des voyages de l'auteur aux Etats-Unis, invité en tant que philosophe à d'obscurs colloques tout droit sortis de romans de David Lodge, les courts récits qui le composent se goûtent en effet comme autant de gorgées d'un liquide qui reste en bouche longtemps après avoir posé son verre.

Publié en 2004, ces visions et réflexions apparaissent aujourd'hui d'une surprenante actualité, tant cette France proposée par les candidats à la présidence de la République ressemble de plus en plus à l'idéal américain ici décrit. Mais dans l'oeil du philosophe, les paillettes se ternissent, le plein emploi ne veut plus rien dire, et ne restent que les pratiques, les pensées et la manière dont les personnes qui peuplent ce rêve appréhendent leur réel.

Supermarchés, motels, parking ou cités étudiantes sont ainsi autant de terrains de réflexion pour un observateur impassible qui parvient toujours à déplacer suffisament son regard afin de ne pas tomber dans l'apparence convenue des tableaux qui défilent. Et de ces fragments d'oeil décalé finit par surgir une image, vraie celle-ci, de la société américaine telle qu'elle est, et à terme, de la société occidentale qui nous guète indiscutablement.

Comment, en effet, ne pas penser à nos propres pratiques de consommation à la lecture de "Microscopie du caddie", étude minutieuse d'un objet trop banal pour qu'on y pense encore ? Et dans ce texte comme dans beaucoup d'autres, ce n'est plus seulement des Américains qu'il est question, mais bien d'un mode de vie mondialisé ou en passe de l'être.

"Par sa forme et sa fonction, le Caddie réalise dans l'espace l'ingurgitation à venir des produits qu'il charrie. Il concrétise l'acte d'absorber une parcelle du monde qui nous entoure. Avant même d'avaler toutes les nourritures que nous sélectionnons, nous les entassons et les promenons dans ce bac mobile, extension de notre corps à laquelle nous avons ajouté quatre roues. Une panse sur roulettes qui nous précède partout, épouse nos mouvements, dicte nos gestes, voilà ce qu'est en somme un Caddie." ("Microscopie du Caddie", p69)

Le livre de Bruce Bégout, par ailleurs auteur d'essais sur la ville américaine au XXe siècle, parvient donc, en quelques touches fulgurantes, à dépeindre un monde familier et inquiétant, celui de l'hyper-consommation, des espaces déshumanisés où chaque rue, chaque allée, mène à un point commercial, comme les pistes des ruminants d'Afrique mènent aux points d'eau, et dans lequel ce qui reste d'humanité erre dans des zones désertiques et abandonnées, laides et poussiéreuses car ne présentant aucun intérêt marchand. Ce monde, qui mérite d'être embelli à la seule condition qu'il soit à vendre, c'est celui dans lequel nous vivons déjà, identique sur des kilomètres, où l'on peut se tromper de motel tellement tous se ressemblent ("Chambre A-43").

Dans un chapître somptueux analysant le comportement du tristement célèbre "sniper de Washington", Bruce Bégout apporte quelques indices sur le destin qui menace ces sociétés sans but, où les trois-quarts de notre temps se passe dans "des espaces mornes, faits de tôle et de chrome".

"La laideur ne peut laisser indifférent ceux qui la vivent quotidiennement. Un jour ou l'autre, elle pousse un homme à sortir de ses gonds. La résignation dorée est pour l'instant un fait établi, mais sa puissance de conviction commence à se fissurer. Malheureusement abêti par son environnement, le contestataire n'a d'autre solution que de conforter la stupidité ambiante de la société qu'il exècre." ("Le sniper", p123)

Voilà les choses que j'aurais aimé entendre pendant cette campagne présidentielle. Car cette fois, il n'est pas besoin d'être philosophe pour comprendre que ce point de non-retour qui pousse un homme à abattre ses congénères au fusil à lunette, ou bien ses camarades de classe au pistolet automatique, cet état de dégoût et de colère n'a strictement rien à voir avec le fait de se lever tôt (comme le dit Sarkozy), ou de vivre dans un pays qui affiche une belle croissance (comme le dit Royal). Ce point critique de destruction est au contraire inévitable si nous, les populations, continuons à vivre le monde comme un lieu de détresse et d'abandon dès lors que nous ne possédons pas ce que l'effrayante déferlante de publicité nous invite à posséder.

"Si un homme avide d'expériences radicales prenait au mot toutes les annonces publicitaires qu'il perçoit en une journée et accomplissait aussitôt sans renâcler tout ce qu'elles l'exhortent à faire, qu'adviendrait-il de lui ?" ("Wigwam Motel", p12)

En creux, c'est ainsi une autre question que pose Bruce Bégout tout au long de cet ouvrage, une question qui a depuis longtemps et encore aujourd'hui toute sa pertinence, à l'heure où même les syndicats, où même des individus qualifiés "de gauche" réclament "plus de pouvoir d'achat" : Puisque de toute évidence, nous ne pouvons pas tout faire, nous ne pouvons et ne pourrons jamais tout acheter, alors dans cette insatisfaction permanente, et cette frustration quotidienne, bientôt, peut-être demain, qu'adviendra-t-il de nous ?

L'éblouissement des bords de route, Bruce Bégout / Editions Verticales

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17 avril 2007

Les coïncidences n'existent pas

Pas plus que les visions, ou les pressentiments, je reste convaincu que nous habitons un lieu clos, capitoné, à l'intérieur duquel nous sommes soumis au vacarme perpetuel du monde. Des voix nous parviennent, des images, des couleurs, des idées, qu'aucun d'entre nous ne peut saisir en totalité.
Pour comprendre, pour ne pas sombrer dans le fatalisme, l'impuissance et la pensée déstabilisante que trop nous est donné et que rien n'a de sens, nous sommes contraints d'organiser ces flux, de les ranger en des blocs synthétiques. Ces choix que nous faisons à chaque instant, garder ce qui nous semble utile et jeter tout le reste, est l'activité principale de notre cerveau. Aucune autre ne l'occupe autant.
Nous sommes des machines à évacuer l'inutile, en masse, à découper comme des bouchers les informations brutes qui nous traversent pour n'en garder que les parties comestibles qui viendront prendre place dans l'édifice logique que nous avons conçu pour permettre à notre raison de survivre.
Nous voyons dans les nuages des figures animales, car imaginer leurs exactes dimensions et l'affolante compléxité de leurs composants nous plongerait dans la folie.
Ainsi je n'imagine pas, aujourd'hui, le moindre rapport entre le fait d'avoir lu en public, vendredi dernier, le texte de Lars Norén, "Le 20 novembre", et le fait divers qui aujourd'hui endeuille l'Amérique.
Car cette information me paraît signifiante pour cette seule raison, et qu'au delà de l'effrayant bilan humain, j'en viens à douter d'y avoir prêté une quelconque attention si mon esprit ne s'était pas au préalable ouvert aux motivations de ces jeunes qui éprouvent le besoin de s'armer pour ouvrir le feu sur leurs camarades de classe.
J'ai une preuve pour coroborer ces propos étranges.
Avant de découvrir le texte de Lars Norén, je ne crois pas me souvenir d'avoir jamais entendu parler de Sebastian Bosse, qui le 20 novembre 2006, c'est à dire hier, a lui aussi perpétré sa tuerie cathartique dans un collège allemand. Je ne crois pas m'en souvenir, mais j'ai probablement vu passer cette information.
Nous sommes des machines à oublier.

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28 mars 2007

Soutien aux Tanneries


Ca fait bien longtemps que je n'ai plus mis les pieds aux Tanneries. Mais comme un navire fantôme, le long bâtiment dijonnais décide de réapparaître à ce moment propice et électoral.

Squat avant tout, espace autogéré, lieu de diffusion artistique (théâtre, musique, arts plastiques), lieu de dialogues, organisateur d'ateliers de pratique et centre de ressource, c'est l'une des rares expériences de diffusion réellement alternative que
je connaisse et qui dure.
Ca fait en effet 10 ans que les Tanneries existent, et pour ceux qui ont une petite idée de ce que signifie l'auto-gestion, force est de reconnaître que cette longévité impose le respect.
Les Tanneries, c'est une ancienne usine de traitement des peaux annexée par des utopistes militants afin d'en faire un centre d'art et de réflexion. Ni plus, ni moins.
Investie fin 1998, c'est peu dire que la structure a survécu à de nombreuses tentatives de fermeture, intimidations, voire incendies plus ou moins intentionnels.
En 2002 pourtant, un accord semblait avoir été trouvé avec la Mairie de Dijon, autorisant les Tanneries à continuer leurs activités à condition de remédier à quelques problèmes de sécurité dûs à la vetusté des locaux.
Mais comme il n'est pas meilleur moment pour faire passer la pilule qu'une veille d'élection, où toute l'attention publique est focalisée sur des sujets aussi passionnants que le drapeau tricolore et la Marseillaise, c'est aujourd'hui que François Rebsamen (maire de Dijon et chef de campagne de Ségolène Royal) a choisi de tout simplement vendre les Tanneries en douce, afin de laisser construire un multiplex de la médecine (complexe de cliniques privées) s'étendant sur 10 héctares à la périphérie de la ville.

Autant dire que si l'expulsion programmée des Tanneries est déjà dure à avaler, la finalité du projet est d'autant plus écoeurante, venant d'une municipalité de "gauche" dont le discours de campagne se gargarise de mots comme "services publics" ou "égalité des chances".
Mais tout ça n'est au fond que la cerise sur le gâteau, tant aucun citoyen éclairé n'a le moindre doute sur la soumission totale des énarques autoproclamés socialistes à tous les rouages du capitalisme contemporain.

Ainsi la vraie question aujourd'hui est une question de liberté de diffusion artistique, le même débat que la défunte Gauche Plurielle avait relancé en 2001 en commandant un rapport sur les squats et lieux de diffusion autogérés.
Je ne me relancerai pas dans une explicaion parce que je l'ai déjà faite à l'époque, mais par ce message, je souhaitais simplement apporter mon soutien total aux Tanneries et dire à nouveau, redire, et reredire à quel point il me semble aujourd'hui inévitable, pour créer de grandes choses, de se débarasser de tout soutien institutionnel.

En avril 2000, je faisais ma première performance publique.
Ca s'appelait "C'est ma peau contre la votre" et ça se passait aux Tanneries.
Pas parce que c'était des copains - je ne connaissais même pas les gens qui vivaient là-bas. Non, ma performance a eu lieu là-bas parce qu'à une époque où je n'avais rien prouvé, où j'étais totalement inconnu (je le suis à peine aujourd'hui, alors imaginez il y a 7 ans...), des gens m'ont fait confiance, comme ils ont fait confiance, pendant 10 ans, à des centaines d'autres groupes artistiques de tous les domaines.
Ce luxe, aucune structure institutionnelle ne pourra jamais se le permettre et c'est cette fondamentale liberté de programmation qu'il faut défendre, en plus de la démonstration par l'exemple que l'auto-gestion est possible, sur des bases saines et créatives.

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01 février 2007

impératif

Je me surprends à me forcer à fumer, alors que je n'en ai pas envie, uniquement parce que je sais que plus tard, je ne pourrai plus.

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23 janvier 2007

Beaubourg sur Yonne

Il aura fallu que surgisse, au milieu des pavés rectilignes et des poutres cruciformes, l'architecture tubulaire de cet engin, pour que je me rende compte à quel point cette ville fuyait les courbes, le métal et les couleurs. Au coeur du marron sur beige de ce secteur préservé, où l'archaïsme décide à la place des habitants de la couleur de leur maison, ce bleu profond était comme une bouffée vivante et les roues géantes, écrasant de leur poids la zone piétonne, la promesse d'un changement toujours possible.


Et j'en profite pour signaler que j'ai ouvert un compte sur Flickr, où je poste désormais régulièrement des photos, anciennes et nouvelles. Il ne s'agit en rien d'une recherche artistique, mais simplement de clichés personnels, d'une mémoire des choses faites et des lieux vus, sans prétention aucune. Si j'étais photographe, ça se saurait...

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20 janvier 2007

Timing

Il fait beau, il fait chaud, et depuis 29 ans que je suis là, je dois bien avouer que c'est exceptionnel en ce mois de janvier.
Du coup, je suis de bonne humeur, je me fous de vieillir, je suis relax, et au lieu de recevoir des cadeaux, je vais en faire un.
Voici donc, en l'honneur de mon anniv, l'une des plus belles couvertures de roman-photo de ma collection.
Malheureusement, le roman lui-même n'est pas à la hauteur de la couverture, mais rien que pour les lumières, ça vaut le coup !


[Collection "As de pique" / "Des heures inoubliables" de Mike Bronk / Production Comondial / Rome 1971]

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16 janvier 2007

Fog

Hier, en fin d'après-midi, une nappe de brume s'est abattue sur la ville.
C'était aussi mon état d'esprit général, un état d'aveuglement opaque.
Mon emploi du temps est un champ de mines, ma liste des tâches une rafale discontinue d'arme lourde qui gueule dans la nuit, et au milieu de ce champ de bataille, je ne trouve pas grand chose d'autre à faire que me planquer derrière un caillou criblé d'impacts ou courir au hasard sous le vol des balles perdues.
C'est ça que j'appelle l'aveuglement opaque, quand la situation générale vous interdit toute projection vers l'horizon, ne laissant entre vos mains que l'urgence de l'ici et du maintenant.

Ca n'est pas la première fois que ma position professionnelle est tendue, et que l'efficacité est impérative en un temps trop court. La différence, c'est qu'autrefois, j'avais toujours ce but parallèle, au travers de mes projets personnels, qui me permettaient de mettre en joue le futur, de me concentrer sur la respiration du sniper, avec la certitude qu'en temps voulu, je presserai la détente et donnerai son terme à une ph(r)ase.

Je suis au milieu du trait du calligraphiste dont je parlais hier, rampant lentement quelque part sur un tracé dont j'ignore l'aboutissement. Et sans la vision globale de l'idéogramme qu'on exécute, le trait lui-même perd tout sens, ainsi que le geste.
L'impératif pour moi, c'est donc d'arrêter les gribouillages, de savoir exactement quelle idée je suis en train de dessiner dans le miroir de mes actes multiples, parce que peindre la brume n'a d'importance que si la brume, ou la fumée, ou les émanations de chaleur, sont le sujet, comme dans "L'incendie de la Chambre des Lords" de Turner. Il est possible que le résultat de ces traits errants sans but sur un chassis sans limite consiste en un même brouillard, ou une même fumée, sans aucune différence plastique, déclenchant enthousiasmes et félicitations, mais ce ne seront alors que des éloges au hasard, et aucune satisfaction ne pourra alors me faire dire que j'ai une utilité, ou un talent, ou une quelconque maîtrise de ma voix.
Il me faut maintenant me concentrer, et éviter à tout prix d'être félicité pour une brume alors que je croyais dessiner une ville.

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