Troudair Revolutions

Fil d'info en continu sur les conséquences de la fin du monde qui a eu lieu le 15 décembre 1999.

26 novembre 2006

Los Angeles... down town

Hier soir, vernissage de l'exposition "Sophie Calle - Histoires en scène" au Théâtre.
Projection du film "No sex last night" puis présentation des oeuvres exposées.
Pendant que défilait sur l'écran le paysage américain que traversait l'artiste et son compagnon de route, je me suis surpris à pousser un soupir tout en observant les quelques spectateurs. Aucun d'eux, bien sûr, ne se doutait de la longue et pénible aventure que j'avais vécu depuis une semaine.

***Flashback***

Jeudi 23 novembre à 14 heures
Je commence l'accrochage de la pièce maîtresse de cette exposition. Il s'agit de "Los Angeles", qui se présente sous la forme d'une fresque immense constituée de 41 cadres A4.
Les suggestions d'accrochage indiquent que ces cadres doivent être présentés collés les uns aux autres. Etant donné qu'il m'est interdit de planter des clous dans les murs du Théâtre, il faut trouver une autre solution. J'opte donc pour un adhésif très puissant qui vient de faire ses preuves pour l'exposition précédente et je fixe le polyptique au mur pendant près de 3 heures.
Sur le coup des 18 heures, je peux admirer l'oeuvre finie, couvrant sur le mur principal d'exposition une surface d'environ 5 mètres sur 1.
Il ne me reste plus grand chose à faire, et je rentre donc chez moi, prévoyant de terminer le lendemain matin.

Vendredi 24 novembre à 9 heures
Le téléphone sonne chez moi. C'est le directeur technique qui vient de découvrir le carnage. Il ne me dit pas grand chose, puisque de toute manière, j'ai déjà compris : L'adhésif n'a pas tenu, et lentement, tout au long de la nuit, les 41 cadres de "Los Angeles" sont tombés...
J'arrive au Théâtre en quatrième vitesse pour découvrir une scène de guerre.
Verre brisé, photos en vrac sur le sol, peinture arrachée sur le mur...
A ce moment-là, je ne sais pas si c'est la stupeur, le désespoir, ou bien l'indifférence totale, mais devant ce spectacle, ma première pensée n'est pas "comment je vais faire ?" ou "combien ça va coûter ?". Non, ma première pensée est autrement plus esthétique et je pense tout simplement : "Bon dieu que c'est beau."


Je ne suis pas vraiment un vandale, ou un Pierre Pinoncelli de province, et je ne crois pas que ce soit la cassure en elle-même qui me fasse cet effet-là, mais plutôt le résultat graphique de tout ça. Ce grand mur vide qui porte les stygmates infimes du passage de l'oeuvre, et au sol, c'est à dire exactement là où l'oeuvre ne sera jamais présentée, les projections de verre, et les longues félures qui soulignent les points de fuite des photos, entassées les unes sur les autres au gré du hasard.


A ce moment-là, je repense à un texte que j'ai écrit pour tommytommy le 22 septembre dernier, à Crash aussi, de Ballard, à ces personnages perdus qui ne puisent l'énergie de vivre que dans la collision, vénérant les séquelles de leurs accidents comme des marques de pouvoir, à l'adaptation que Cronenberg en a fait, laissant traîner sa caméra sur le verre pilé et la tôle froissée. Et quand je prends les photos de ce "Los Angeles" down town, je me sens dans la peau de Vaughn, mitraillant l'accident quelques minutes après qu'il ait eu lieu, avec la même fascination, et tout comme lui, aucune sensation de gêne ou d'immoralité.



L'épilogue de cette histoire, c'est que bien sûr, j'ai racheté les verres cassés, et que j'ai remonté l'oeuvre sur le mur, avec des clous cette fois, mais pendant ce vernissage, je continuais à me dire que les visiteurs ici présents manquaient une grande partie de ce que contient maintenant ce polyptique, de la violence dont il s'est gorgé et que mon action de réparation n'a fait que dissimuler. Et au fond je sais que même si l'oeuvre est désormais intacte, elle portera malgré tout avec elle la cicatrice de son crash avec le parquet brillant du Théâtre, une nuit de novembre, dans l'obscurité, sans témoin. Et puisque l'objet même de "Los Angeles" portait sur une question de Sophie Calle aux personnes qu'elle rencontrait : "où sont les anges ?", il n'y a aujourd'hui qu'une seule réponse qui me vienne à l'esprit : "ils tombent".

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25 novembre 2006

tommytommy

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Dans l'ombre

On décrochait les toiles de Christophe Robe qui étaient exposées au Théâtre depuis fin septembre.
Il était tôt et l'équipe pas encore présente. Seules les femmes de ménage passaient de temps en temps près de nous, seau et serpillère à la main.
On s'y est mis à deux pour décrocher l'un des immenses chassis qui représentait un scène d'ombre et de soleil, d'intérieur et d'extérieur, de ciel et de pierre.
C'est à ce moment-là qu'est passée une femme de ménage qui nous a dit :

- C'est dommage que vous la décrochiez. Je l'aimais bien celle-là.
- Ah oui ? Pourquoi ? j'ai demandé.
- Tous les matins je passais, et je la voyais, et je me disais que c'était mon balai, et que moi, j'étais dans l'ombre.
- Ah bon ? j'ai répondu, étonné. Mais pourquoi dans l'ombre ?
- Parce qu'il y a ceux qui sont dans la lumière, et ceux qui sont dans l'ombre, et la femme est toujours dans l'ombre. La femme, c'est une proie.

Je n'ai pas eu le temps de lui en demander plus, parce qu'elle est repartie tout de suite, avec son seau et sa serpillère, en baissant la tête, un peu comme si elle venait de s'aperçevoir qu'elle en avait déjà trop dit. Et en plus, il faut bien le reconnaître, il lui restait encore pas mal de boulot à faire...

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03 novembre 2006

tommytommy

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