Troudair Revolutions

Fil d'info en continu sur les conséquences de la fin du monde qui a eu lieu le 15 décembre 1999.

28 juillet 2009

Manifeste Mutantiste


On ne résume pas le mutantisme.
S'il faut l'expliquer, ce doit être en détails, et avec rigueur.
C'est pourquoi son manifeste vient d'être mis en ligne.

Afin de réunir sous un texte commun les individualités multiples qui le composent.

A vous de plonger dans la pensée grouillante et moite.
Bloc noir. Monolithe de poésie théorique.
Mutantisme 1.0
avant la prochaine mutation.

http://mutantisme.free.fr/

Libellés : , ,

18 juin 2009

Katalin Molnár

Préface de "quant à je (Kantaje)" de Katalin Molnár. Editions P.O.L (1996)



Je reviendrai sur cette auteure un peu plus tard. Des projets en cours dont je ne suis pas certain qu'ils se réalisent, mais en attendant, cette douce préface fera office d'entrée en matière colorée.

PS : Terminées les dernières corrections sur les Travaillants, dont la sortie imminente aux éditions Presque Lune nécessitera quelques nombreux autres messages et communiqués.

Libellés : , ,

05 juin 2009

Underwater



UNDERWATER
YouTube mod, Grégoire Courtois, 2009
http://troudair.free.fr/underwater.html

La série YouTube Mods :
http://troudair.free.fr/notalone.html
http://troudair.free.fr/bunnies.html
http://troudair.free.fr/white.html

Edit : Et pour ceux qui en redemandent, allez faire un tour sur le blog de sumoto.iki. Entre autres remix brillants, des YouTube Mods dont le fantastique GOYA vs GOYA vs GOYA vs GOYA

Libellés : ,

06 février 2009

Au lecteur

Comme on me l'a suggéré, je vais publier ici un texte dégoté au cours de recherches liées à mon métier. Depuis quelques semaines, je suis plongé dans l'étude du théâtre du XVIe et XVIIe siècles, et à la recherche d'un candidat français qui puisse tenir la route face à Shakespeare à la même époque, je suis tombé sur un individu étonnant : Alexandre Hardy (1570 (ou 72) - 1632, sans certitude).

Bien vite, j'ai compris que Hardy n'avait pas grand chose de commun, malheureusement, avec ce vieux William, mais malgré tout, je me suis pris d'une certaine affection pour ce personnage qui avoue avoir écrit plus de 600 pièces de théâtre, dont seulement une quarantaine ont été imprimées et 34 effectivement parvenues jusqu'à nous. Ni bon, ni mauvais, Hardy écrivait du théâtre comme beaucoup d'auteurs de son temps (y compris Shakespeare) : pour vivre. C'est ce qui explique son imposante production, et peut-être aussi le fait que ses pièces n'ont jamais trouvé le souffle qui aurait pu en faire des monuments de la littérature dramatique française, pour peu qu'il passe quelques heures de plus à les concevoir.

En feuilletant donc les cinq tomes du Théâtre d'Alexandre Hardy, publiés entre 1624 et 1628, et grâce à la magie des sublimes bibliothèques modernes que sont Gallica et Google Books, j'ai trouvé cette note, "Au lecteur", imprimée en introduction du tome 5, et qu'on peut, par bien des aspects, encore approuver aujourd'hui.

La voici, ci-dessous, après que je l'ai eue retranscrite et aménagée dans un français un peu plus lisible. Pour ceux qui voudraient jeter un œil à l'original, ou ceux qui ne se rendent pas compte de la manière d'écrire de l'époque, rendez-vous ici.

Les passages en gras sont ceux que je souligne plus particulièrement.

AU LECTEUR
par Alexandre Hardy

publié en préface au Tome 5 de son Théâtre (1628)

J'userai volontiers, lecteur, pour évoquer ma profession, de la confidente réplique que Phocion fit au peuple athénien, lorsqu'il affirma être celui que l'Oracle avait désigné comme le seul à résister à tous les autres, au sein de la République.

Sache que c’est l'honneur qui me fait m’exprimer ici, afin d’éclairer les crédules qui croient voir des poètes en certains seulement capables de concourir pour le prix de l’ignorance, composé pour eux d’une couronne de chardons.

Cette méprise prouve, à mon avis, que selon l'habitude française, une infinité de cerveaux mal faits attribuent la perfection des choses à leur nouveauté, et n'en pèsent les mérites qu'à la balance d'une faveur aussi inique qu'imprudente.

Pour preuve de mon dire, la Tragédie, le plus grave, laborieux, et important de tous les autres poèmes - que ce grand Ronsard feignit de heurter de crainte d'un naufrage de réputation – est pratiquée aujourd'hui par certains qui jamais ne virent seulement la couverture d’un bon livre, qui à l’ombre de quelques lieux communs pris et appris en Cour, s’imaginent avoir la pierre philosophale de la Poésie, et que quelques rimes plates et entrelacées de pointes affinées dans l'alambic de leurs froides conceptions, feront autant de miracles que de vers chauffant les planches.

D'autres aussi, que l'on pourrait nommer excréments du Barreau, s'imaginent que de mauvais avocats peuvent devenir de bons poètes en moins de temps que les champignons ne croissent, et se laissent tellement emporter à la vanité de leur sens et aux louanges que leur donne la langue charlatante de quelque écervelé d'Histrion, que ces misérables corbeaux profanent l'honneur du Théâtre de leur vilain croassement, et présument être sans apparence ce qu'ils ne peuvent jamais espérer avec raison, jusqu'à bâtir autant que possible sur les ruines de la bonne renommée de ceux qui ne daigneraient avouer de si mauvais écoliers.

Or, afin qu’en peu de lignes je te crayonne et te répète mon sentiment sur ce en quoi consiste la perfection de la Tragédie, et pour montrer combien ces mauvais archers tirent loin du but, je dirais que le sujet de tel poème, étant comme l'âme au corps, se doit de fuir les extravagances fabuleuses, qui ne disent rien, et détruisent plutôt qu'elles n'édifient les bonnes mœurs. Que le vrai style tragique ne s'accorde nullement avec un langage trivial, avec ces délicatesses efféminées, qui pour chatouiller quelque oreille courtisane mécontenteront tous les experts du métier. Que quiconque se soumet dans un tel ouvrage aux tyrannies de nos derniers censeurs, détruit le privilège de l’honneur que la vénérable antiquité lui avait donné. Que la disposition, ignorée de tous nos rimailleurs, règle l'ordre de ce superbe Palais, qui n'est autrement qu'un labyrinthe de confusion, sans issue pour ces monstres d'auteurs.

La grâce des interlocutions, l'insensible douceur des digressions, le naïf rapport des comparaisons, une égale bienséance observée et adaptée aux discours des personnages, un grave mélange de belles sentences qui tonnent en la bouche des acteurs et résonnent jusqu'en l'âme du spectateur, voilà ce que mon faible jugement a reconnu depuis trente ans comme étant les secrets de l'art, interdits à ces petits avortons aveuglés de la trop bonne opinion de leur suffisance imaginaire.

Et s'ils t'objectent que mes écrits franchissent souvent la borne de ces beaux préceptes, leur vue te prouvera qu'entre six cents poèmes et plus de ce genre, aucun ne s'égare plus du bon chemin que le plus poli des leurs, pour peu qu'un arbitre capable et sans passion veuille se prononcer là dessus.

Paie-toi, lecteur, de ces raisons comme de bon aloi, et qui furent de mise entre ces plus renommés Grecs, Latins et Italiens, qui élurent jadis le Théâtre au trône de la perfection, sans t'amuser à l'apparence extérieure de ces inventions bizarres et chimériques à la mode.

Autrement tu imiterais ces petits enfants, qui estiment plus la peinture d'une pirouette, que les plus vives couleurs et les plus beaux traits du meilleur original de Michel Ange.

Quant à moi, cette consolation du sage Athénien me demeure, que ces faibles cervelles qui m'auront autrefois condamné en l'accès de leur frénésie, m'absoudront un jour à leur resipiscence. De plus, tout ceux à qui la dépravation du goût fait trouver mes viandes mauvaises, les laisseront à de moins difficiles et à de plus judicieux qui m'en sauront gré.

Alexandre Hardy

Libellés : , , ,

22 décembre 2008

Flux tendu

Petite information pour ceux que ça intéresse.
Je serai le prochain invité du projet InstantS, publié par panoplie.org
Sur une demande d'Annie Abrahams, que je remercie ici publiquement, après l'avoir fait en privé, je vais donc occuper la page d'accueil de Panoplie pendant un mois.

Le principe d'InstantS est simple.
Une petite fenêtre, un espace de liberté, approvisionné en temps réel par l'invité. Texte only.
A l'aide d'un ordinateur ou de mon téléphone, je vais donc envoyer des phrases, des textes, je sais pas trop quoi encore, et mes élucubrations seront diffusées immédiatement à la vue de tous les visiteurs du site qui n'avaient pourtant rien demandé.

Plusieurs de mes amis sont déjà passés par là, et vous pouvez lire leurs interventions, si bien que je me demande bien comment je vais pouvoir faire différent dans ce long sillage...

Tel que j'envisage cette proposition, je pense que ce sera simplement le prolongement direct de mes réflexions actuelles, ce qui tombe plutôt bien puisque ce que j'écris en ce moment est de facture assez lapidaire, elliptique et fragmentée. Ce système de diffusion s'avère donc parfaitement approprié.

Bien entendu, une fois ce mois passé, mon intervention sera lisible, comme les autres, sur le site.
En illustration, j'ai d'ailleurs mis celle de mon camarade Jacques Perconte, parce que le bougre est bien le seul à avoir réussi à faire quelque chose de graphique avec du texte...

[Mise à jour : pour une consultation plus rapide du flux, voici le lien RSS]

Libellés : , ,

27 mars 2008

Décroissons


C'est le printemps, et après avoir dormi tout l'hiver, mes textes se mettent enfin à fleurir.
A lire donc, dans le journal "La Décroissance", dans les kiosques demain 28 mars, mon papier intitulé "Comment l'économie se met à bio-carburer", soit une petite réflexion sur le développement actuel du bio-business.
Mais au-delà de l'auto-promo, ne vous privez pas non plus pour vous abonner à ce journal, parce que des gens qui écrivent en Une "Merde au pouvoir d'achat" ne peuvent être que dignes de confiance.

Libellés : ,

15 février 2008

Debriefing lancinant

Lancinant parce que la route était longue, et brumeuse, et qu'après une lecture, on aime fermer les yeux et se remémorer, au moins quelques minutes, ce qui vient de se passer, ces quelques instants partagés entre un texte qu'on porte et sa découverte par un public consentant.
Et l'autoroute encourage le procédé. Rien d'autre à faire que laisser appuyé son pied sur une pédale et bouger subtilement le volant pour épouser les courbes lentes de la route.

Alors le retour était dur, et lancinant, à mi-chemin entre la rêverie confortable et la peur de vraiment s'endormir pour finir encastré dans le pare-choc arrière d'un 38 tonnes espagnol dont la seule inquiétude au moment du crash aurait été la crainte d'arriver en retard.

Et ce matin, le jour est froid, même si le thermomètre dit le contraire, et brumeux, et lancinant lui-aussi, à cause de cette fatigue accumulée et de la perspective de reprendre la route ce soir pour une autre lecture.

D'hier, il ne reste que des bribes réjouissantes. Des images et des idées.
Les images, ce sont celles de tous les autres lecteurs, leur courage face au public, leur assurance et leur confiance en ce qu'ils disaient, parce qu'une fois dépouillés de leur trac, il restait cette immense prise de risque qu'on voyait se manifester dans les regards passionnés qu'ils nous jetaient parfois, et qui chacuns voulaient dire "croyez-moi ! Il faut me croire !". Et ça a marché. On les a cru. Et on a plongé avec eux dans l'intimité de ces textes pour la plupart inédits, rédigés dans la solitude de leur bureau, comme postés par dessus leur épaule au moment de leur conception.

Les idées, c'étaient les paysages baroques des Mutants Anachroniques, en roue libre et en mode "guide touristique d'un monde décrépi et sublime", la voix unique de Nina qui avait le même timbre quand elle devenait Catherine [et ça, c'était tellement évident qu'on n'aurait jamais pu le sentir aussi clairement en le lisant sur du papier], le ton sombre et juste de Clément qui n'était plus la même personne que celle que j'avais croisée, tremblante, juste avant la lecture, comme s'il s'était changé entre-temps, laissant au vestiaire son habit de peur et d'incertitude pour enfiler une longue tunique de tact suprême. Les idées enfin, c'était les mains de Nicolas, qui rythmaient ses mots comme s'ils n'avaient pas pu sortir sans l'ordre d'un chef d'orchestre, qui seraient restés en coulisse de peur de gâcher la symphonie en arrivant au mauvais moment, mais qui sont arrivés pile où il fallait, et dans l'ordre qu'il fallait.

Et puis pour finir, il y avait les regards du public pendant que je le lisais, spectateurs assis par terre un sourire aux lèvres, si bien que parfois, je me suis un peu senti comme un instituteur qui lisait une histoire à des élèves curieux de connaître la fin.

Et ça c'était bien, parce que le choix de ce texte (j'ai lu trois chapitres des Travaillants) avait deux objectifs. Le premier, c'était de confronter cette écriture à des juges, pour savoir si ce truc dans lequel je m'embarque vaut le coup, tout simplement. Il y a tellement de choses qui ne font rire que moi...
Et le second objectif, c'était me donner une bonne raison de continuer. Parce que les habitués de ce blog, et de mon travail en général, savent bien que j'ai mis en chantier un nombre incalculable de projets, depuis toutes ces années, et que bien peu ont été menés à terme...
Pour les Travaillants, il ne fait aucun doute que dans un futur proche, avant même la fin de la rédaction, quelqu'un d'autre, ailleurs, aura eu la même idée, et l'aura publié, et que je l'aurais vu s'en expliquer sur un plateau de télé. Et que, de dépit, j'aurais rangé tout ça dans un tiroir numérique pour passer à une autre idée dont la probabilité qu'elle aboutisse à quelque chose sera tout aussi faible.

Mais maintenant que j'ai lu ces quelques chapitres des Travaillants, publiquement, c'est la force de la politesse qui devrait me guider. Parce qu'on ne donne pas un teaser à des gens pour ensuite faire étalage de son abandon. Et cette espèce de somnolence qui me saisit quand j'arrive à la moitié d'un texte, bien blotti dans le confort d'être arrivé jusque là, sur la route brumeuse, dans le souvenir des mots accumulés idéalement, cette somnolence doit être contrée.

C'est à ça que m'a servi cette lecture d'hier, et je remercie chaleureusement Chloé pour ça, pour m'avoir pincé à ce moment de l'écriture où la route devenait floue, le chemin lancinant, et qu'à tout moment je risquais de bel et bien fermer les yeux... pour finir encastré dans le pare-choc arrière d'un 38 tonnes espagnol qui lui non plus, comme le reste du monde, n'en aurait eu définitivement rien à foutre.

Libellés : , , , ,

07 mai 2007

Coeur ouvert

La population a donc trouvé son opium, et à tous ceux qui ce matin sont consternés, rappelons que le spectaculaire d'un suffrage universel ne doit pas faire oublier que la démocratie n'a rien d'une roulette russe. Le résultat des urnes était connu, bien trop connu et depuis bien trop longtemps pour qu'on s'indigne aujourd'hui alors qu'hier aucune réelle réflexion n'aura été portée, par aucun candidat, sur les thèmes chers aux Français qui ont fait consensus depuis maintenant 2 ans, à savoir le travail et ce que les instituts de sondage ont appelé le pouvoir d'achat.

"On veut du fric, et on en veut plus", est donc plus ou moins le discours qui a fait gagner le plus populiste de 12, sans surprise, et avec une passion à laquelle lui-même semblait croire.

Pour ce premier jour des années noires que nous nous apprêtons à vivre, j'ai donc envie de présenter une nouvelle installation présentée au Théâtre d'Auxerre. D'abord, parce qu'elle est plastiquement superbe, ensuite parce que le petit texte collé en exergue s'avère d'une étrange actualité.

"S'il y a un Dieu qui régit le football, ce Dieu est surtout ironique et farceur, et Garrincha fut un de ses sujets, chargé de s'échapper de tous et de tout... Ce fut un pauvre petit mortel qui aida un pays entier à sublimer ses tristesses.
Le pire est que les tristesses reviennent, et il n'y a pas un autre Garrincha disponible. Il y a grand besoin d'un nouveau pour alimenter nos rêves."


Ce texte de Carlos Dummond de Andrade introduit donc l'installation "Manuel" de Rodolphe Cintorino, consistant en un coeur que le spectateur peut "faire battre à nouveau" en envoyant un sms au numéro indiqué.

Par cette pièce, c'est un aspect important de la politique que Rodolphe Cintorino met en avant, et de sa fusion avec d'un côté l'imagerie religieuse, de l'autre la ferveur médiatique. Nous baignons actuellement dans les deux, et sommes en quête de dispositifs susceptibles "d'alimenter nos rêves". En automne, c'est la Starac qui remplit ce rôle, où les sms remplacent idéalement l'isoloir, et tous les 5 ans désormais, c'est le suffrage universel, où l'isoloir précisement se change en dispositif interactif déclencheur d'espoir et destructeur de tristesse.

La démocratie, par contamination, en est donc arrivé à ce point d'aveuglement global, premièrement rattrapée par un capitalisme récupérateur qui trouvait dans ce curieux système le meilleur moyen d'apporter l'illusion de la liberté, puis dans un second mouvement, modifiée elle-même par les méthodes de ce capitalisme, lequel offrait "tout et tout de suite" sans avoir à trop se poser de questions, sans faire trop d'efforts ni de sacrifices, et surtout ne demandant comme investissement qu'une foi bornée en un idéal toujours plus proche de l'après-vie biblique. Un jour vous serez riches, tout le monde a sa chance... On n'est pas loin des derniers qui seront demain les premiers...

Arrivés à ce point où la majorité (et pas seulement les 53% d'électeurs de Nicolas Sarkozy) ont adhéré à cet idéal politico-religieux, inutile de se lamenter sur la recontruction des gauches, ou de diaboliser les méchants monsieurs de droite, car l'un et l'autre n'y sont pour rien, ne faisant qu'obéir à un mouvement général.

Le vrai combat aujourd'hui est le même qu'hier, et qu'il y a 5 ans, et il se situe au plan philosophique et purement idéologique. S'imaginer qu'un vote (dans une urne ou par sms) changera le monde, c'est être bien naïf et oublier que le désir profond du monde occidental était et demeure de "travailler plus pour gagner plus".

Tant que personne ne s'attaquera à cette logique, et que même les syndicats les plus à gauche y adhérerons, que même le Parti Socialiste défilera dans les rues pour "la sauvegarde du pouvoir d'achat", personne d'autre ne pourra diriger ce pays que celui qui se donnera les moyens de mettre en application ce programme suicidaire.

Voilà pourquoi Ségolène Royal avait le sourire hier soir.
Car elle était heureuse d'avoir enfin un président en accord avec ses idées de capitalisme populaire...

Libellés : ,

27 avril 2007

Bruce Bégout - L'éblouissement des bords de route

On aura compris que je ne suis jamais en phase avec l'actualité culturelle, et encore moins littéraire. Certes j'achète des livres, mais ce sont, pour la plupart, des livres de garde, comme on parle de vins de garde, de ceux qui vieillissent dans l'obscurité des caves pour s'améliorer, ou bien devenir rapidement de sinistres piquettes. Dans ce dernier cas pourtant, tout n'est pas perdu, puisque très rapidement, à la lecture de ces ouvrages à haut degré de pourrissement, il suffit de quelques pages pour le comprendre, et l'économie de temps vaut largement l'argent investi.

Le livre de Bruce Bégout, "L'éblouissement des bords de route", est tout le contraire de ces vinaigres littéraires aux étiquettes ornées de dorures. Recueil de pensées recueillies lors des voyages de l'auteur aux Etats-Unis, invité en tant que philosophe à d'obscurs colloques tout droit sortis de romans de David Lodge, les courts récits qui le composent se goûtent en effet comme autant de gorgées d'un liquide qui reste en bouche longtemps après avoir posé son verre.

Publié en 2004, ces visions et réflexions apparaissent aujourd'hui d'une surprenante actualité, tant cette France proposée par les candidats à la présidence de la République ressemble de plus en plus à l'idéal américain ici décrit. Mais dans l'oeil du philosophe, les paillettes se ternissent, le plein emploi ne veut plus rien dire, et ne restent que les pratiques, les pensées et la manière dont les personnes qui peuplent ce rêve appréhendent leur réel.

Supermarchés, motels, parking ou cités étudiantes sont ainsi autant de terrains de réflexion pour un observateur impassible qui parvient toujours à déplacer suffisament son regard afin de ne pas tomber dans l'apparence convenue des tableaux qui défilent. Et de ces fragments d'oeil décalé finit par surgir une image, vraie celle-ci, de la société américaine telle qu'elle est, et à terme, de la société occidentale qui nous guète indiscutablement.

Comment, en effet, ne pas penser à nos propres pratiques de consommation à la lecture de "Microscopie du caddie", étude minutieuse d'un objet trop banal pour qu'on y pense encore ? Et dans ce texte comme dans beaucoup d'autres, ce n'est plus seulement des Américains qu'il est question, mais bien d'un mode de vie mondialisé ou en passe de l'être.

"Par sa forme et sa fonction, le Caddie réalise dans l'espace l'ingurgitation à venir des produits qu'il charrie. Il concrétise l'acte d'absorber une parcelle du monde qui nous entoure. Avant même d'avaler toutes les nourritures que nous sélectionnons, nous les entassons et les promenons dans ce bac mobile, extension de notre corps à laquelle nous avons ajouté quatre roues. Une panse sur roulettes qui nous précède partout, épouse nos mouvements, dicte nos gestes, voilà ce qu'est en somme un Caddie." ("Microscopie du Caddie", p69)

Le livre de Bruce Bégout, par ailleurs auteur d'essais sur la ville américaine au XXe siècle, parvient donc, en quelques touches fulgurantes, à dépeindre un monde familier et inquiétant, celui de l'hyper-consommation, des espaces déshumanisés où chaque rue, chaque allée, mène à un point commercial, comme les pistes des ruminants d'Afrique mènent aux points d'eau, et dans lequel ce qui reste d'humanité erre dans des zones désertiques et abandonnées, laides et poussiéreuses car ne présentant aucun intérêt marchand. Ce monde, qui mérite d'être embelli à la seule condition qu'il soit à vendre, c'est celui dans lequel nous vivons déjà, identique sur des kilomètres, où l'on peut se tromper de motel tellement tous se ressemblent ("Chambre A-43").

Dans un chapître somptueux analysant le comportement du tristement célèbre "sniper de Washington", Bruce Bégout apporte quelques indices sur le destin qui menace ces sociétés sans but, où les trois-quarts de notre temps se passe dans "des espaces mornes, faits de tôle et de chrome".

"La laideur ne peut laisser indifférent ceux qui la vivent quotidiennement. Un jour ou l'autre, elle pousse un homme à sortir de ses gonds. La résignation dorée est pour l'instant un fait établi, mais sa puissance de conviction commence à se fissurer. Malheureusement abêti par son environnement, le contestataire n'a d'autre solution que de conforter la stupidité ambiante de la société qu'il exècre." ("Le sniper", p123)

Voilà les choses que j'aurais aimé entendre pendant cette campagne présidentielle. Car cette fois, il n'est pas besoin d'être philosophe pour comprendre que ce point de non-retour qui pousse un homme à abattre ses congénères au fusil à lunette, ou bien ses camarades de classe au pistolet automatique, cet état de dégoût et de colère n'a strictement rien à voir avec le fait de se lever tôt (comme le dit Sarkozy), ou de vivre dans un pays qui affiche une belle croissance (comme le dit Royal). Ce point critique de destruction est au contraire inévitable si nous, les populations, continuons à vivre le monde comme un lieu de détresse et d'abandon dès lors que nous ne possédons pas ce que l'effrayante déferlante de publicité nous invite à posséder.

"Si un homme avide d'expériences radicales prenait au mot toutes les annonces publicitaires qu'il perçoit en une journée et accomplissait aussitôt sans renâcler tout ce qu'elles l'exhortent à faire, qu'adviendrait-il de lui ?" ("Wigwam Motel", p12)

En creux, c'est ainsi une autre question que pose Bruce Bégout tout au long de cet ouvrage, une question qui a depuis longtemps et encore aujourd'hui toute sa pertinence, à l'heure où même les syndicats, où même des individus qualifiés "de gauche" réclament "plus de pouvoir d'achat" : Puisque de toute évidence, nous ne pouvons pas tout faire, nous ne pouvons et ne pourrons jamais tout acheter, alors dans cette insatisfaction permanente, et cette frustration quotidienne, bientôt, peut-être demain, qu'adviendra-t-il de nous ?

L'éblouissement des bords de route, Bruce Bégout / Editions Verticales

Libellés : ,

28 mars 2007

Soutien aux Tanneries


Ca fait bien longtemps que je n'ai plus mis les pieds aux Tanneries. Mais comme un navire fantôme, le long bâtiment dijonnais décide de réapparaître à ce moment propice et électoral.

Squat avant tout, espace autogéré, lieu de diffusion artistique (théâtre, musique, arts plastiques), lieu de dialogues, organisateur d'ateliers de pratique et centre de ressource, c'est l'une des rares expériences de diffusion réellement alternative que
je connaisse et qui dure.
Ca fait en effet 10 ans que les Tanneries existent, et pour ceux qui ont une petite idée de ce que signifie l'auto-gestion, force est de reconnaître que cette longévité impose le respect.
Les Tanneries, c'est une ancienne usine de traitement des peaux annexée par des utopistes militants afin d'en faire un centre d'art et de réflexion. Ni plus, ni moins.
Investie fin 1998, c'est peu dire que la structure a survécu à de nombreuses tentatives de fermeture, intimidations, voire incendies plus ou moins intentionnels.
En 2002 pourtant, un accord semblait avoir été trouvé avec la Mairie de Dijon, autorisant les Tanneries à continuer leurs activités à condition de remédier à quelques problèmes de sécurité dûs à la vetusté des locaux.
Mais comme il n'est pas meilleur moment pour faire passer la pilule qu'une veille d'élection, où toute l'attention publique est focalisée sur des sujets aussi passionnants que le drapeau tricolore et la Marseillaise, c'est aujourd'hui que François Rebsamen (maire de Dijon et chef de campagne de Ségolène Royal) a choisi de tout simplement vendre les Tanneries en douce, afin de laisser construire un multiplex de la médecine (complexe de cliniques privées) s'étendant sur 10 héctares à la périphérie de la ville.

Autant dire que si l'expulsion programmée des Tanneries est déjà dure à avaler, la finalité du projet est d'autant plus écoeurante, venant d'une municipalité de "gauche" dont le discours de campagne se gargarise de mots comme "services publics" ou "égalité des chances".
Mais tout ça n'est au fond que la cerise sur le gâteau, tant aucun citoyen éclairé n'a le moindre doute sur la soumission totale des énarques autoproclamés socialistes à tous les rouages du capitalisme contemporain.

Ainsi la vraie question aujourd'hui est une question de liberté de diffusion artistique, le même débat que la défunte Gauche Plurielle avait relancé en 2001 en commandant un rapport sur les squats et lieux de diffusion autogérés.
Je ne me relancerai pas dans une explicaion parce que je l'ai déjà faite à l'époque, mais par ce message, je souhaitais simplement apporter mon soutien total aux Tanneries et dire à nouveau, redire, et reredire à quel point il me semble aujourd'hui inévitable, pour créer de grandes choses, de se débarasser de tout soutien institutionnel.

En avril 2000, je faisais ma première performance publique.
Ca s'appelait "C'est ma peau contre la votre" et ça se passait aux Tanneries.
Pas parce que c'était des copains - je ne connaissais même pas les gens qui vivaient là-bas. Non, ma performance a eu lieu là-bas parce qu'à une époque où je n'avais rien prouvé, où j'étais totalement inconnu (je le suis à peine aujourd'hui, alors imaginez il y a 7 ans...), des gens m'ont fait confiance, comme ils ont fait confiance, pendant 10 ans, à des centaines d'autres groupes artistiques de tous les domaines.
Ce luxe, aucune structure institutionnelle ne pourra jamais se le permettre et c'est cette fondamentale liberté de programmation qu'il faut défendre, en plus de la démonstration par l'exemple que l'auto-gestion est possible, sur des bases saines et créatives.

Libellés : ,

11 mars 2007

La tête dans l'art plastique


Je repasse juste quelques minutes pour quelques infos pratiques car j'ai été pour le moins occupé ces derniers temps par le montage simultané de plusieurs expositions.

D'abord à Evry, où le festival SIANA 2007, dont je dirige la partie artistique, débute mercredi. L'oeuvre de Jacques Perconte, "Entre le ciel et la terre", impliquant de transporter dans la galerie du Théâtre de l'Agora près de 3 tonnes de terre, mon emploi du temps s'en est donc retrouvé quelque peu bouleversé...
Le festival SIANA 2007 compte, en plus de Jacques, des oeuvres de Michael Aschauer, Franck Ancel, Paula Levine, Ivo Flammer et Yoshie Kaga, Christophe Bruno et Michel Bertier.
Il a lieu du 14 au 17 mars à Evry, au Théâtre de l'Agora, à l'INT (Institut National des Télécommunications) et dans l'hôtel de Ville.
Vernissage des installations du Théâtre le mercredi 14 mars à 18h30.

Ensuite à Auxerre, je termine encore aujourd'hui l'installation de l'exposition "Bobig, artiste contemporain du dimanche et du soir après le boulot" qui aura lieu du 12 mars au 14 avril.
Le vernissage a lieu le samedi 17 mars à 18h.

Voilà pour mes activités en cours. D'ici une bonne semaine, j'aurais un peu plus de temps pour parler de tout ça et du reste, mais encore un peu de patience...

Toutes les photos de ces montages sont visibles sur mon compte Flickr :
http://www.flickr.com/photos/troudair/
Ainsi que sur celui de Jacques Perconte :
http://www.flickr.com/photos/jacquesperconte/

Libellés :

27 septembre 2006

Chloé Delaume - J'habite dans la télévision

Pour moi c'est une découverte.
Pas Chloé Delaume bien sûr, mais la forme de son dernier livre.
C'est même une découverte assez énervante car je m'étonne de ne pas avoir pensé plus tôt à le faire.
Déjà rôdée aux lacérations de formes, détournements d'axiomes et autres dérapages stylistiques, l'auteur de "Certainement pas" explore ici un nouveau genre que j'ai envie de qualifier de "documentaire expérimental". Et c'est d'autant plus énervant que ce procédé, je le connais bien puisqu'il existe en abondance dans la production underground audiovisuel. Mais jamais, bêtement, je ne m'étais dit qu'il pouvait s'adapter à l'écriture. Etonnant, puisque entre tous les moyens d'expression, la langue reste et demeure celui où la liberté est la plus totale.
C'est en ça que "J'habite dans la télévision" est proprement jouissif, dans cette idée que l'essai qu'on nous propose n'est déjà plus un essai (autrement dit un objet de tentative), mais qu'il lorgne déjà vers d'autres catégories plus affirmées, car plus personnelles. "J'habite dans la télévision" n'est donc pas un essai, mais un résultat, ferme. Strié de données techniques et scientifiques, il met néanmoins tout en oeuvre pour fuir sans cesse la rigueur de la démonstration, et embrasse sans scrupule celle de la sensibilité.
J'imagine que c'est pour ça que quelques critiques se sont emballés sur les soit-disant développements "pauvres" de la théorie. Parce que ce livre n'est pas une théorie, et effectivement, Chloé Delaume n'écrit pas pour étaler le A et le B de faits tangibles servant à argumenter la puissance d'un C conclusif. De mon point de vue, prendre ce livre comme un exercice scientifique, avec un raisonnement rationnel développé comme à l'école et belle conclusion cadenacée à triple tour, c'est se gourrer complètement de sujet. De la même manière, s'imaginer que "J'habite dans la télévision" parle de la télévision, dans un raccourci de journaliste qui préfère ranger la somme de produits littéraires de la rentrée dans des cases bien définies par peur de se planter (ex: "il y a X livres qui parlent de télévision", "X premiers romans", etc.), c'est aussi faire fausse route. Car on n'est pas là pour réinventer Bourdieu. Dans le cas de Chloé Delaume, et plus précisement dans ce dernier livre, on est dans l'invention de formes, ou comment faire entrer en collision les données avec le roman. C'est ce processus qui est à l'oeuvre. Comment nourrir après avoir été nourri (souvent même malgré nous) ? Que faire de tout cet attirail de données éparses, jamais synthétisées, ou trop synthétiques, pour rester vivant et ne pas se vautrer ad vitam eternam dans la passivité à laquelle tout nous invite, des slogans publicitaires aux connexions neuronales ?
Donc oui, des mécanismes de contrôle médiatique sont mis en évidence dans ce livre, mais jamais en tant que tels, afin de ne pas justement tomber dans la petite dissertation de DEUG de socio. Tous ces mécanismes ne sont pas expliqués : ils font partie du processus d'écriture. Et traversant le filtre de la littérature, on saisit (ou non) comment l'information chemine jusqu'à nous, puis en nous, et comment elle peut en sortir. Ce livre est un exemple de sublimation, un exemple de recyclage de données en vue de la création, et plus que tout, un encouragement à en découvrir d'autres.
Alors bien sûr, je n'ai pas non plus été convaincu par la fin du bouquin, assez anecdotique il me semble, mais on parle là de deux malheureuses pages qui expriment simplement l'impasse de la démonstration, au cas où on aurait pas compris. Tout le livre s'articule de toute manière autour de cette impasse, tout en pointant en filigrane les minuscules portes dérobées qu'il est encore possible de prendre. "J'habite dans la télévision" est simplement l'une de ces portes, qui invente du poétique à partir d'un sujet qui le broie. Ici la littérature, mais ailleurs le dialogue, ou le détournement, ou la performance, tous ces autres possibles comme autant de machines à refuser les règles sophistiques qui font autorité aujourd'hui.
En face de ces canevas universitaires arrogants et dangereux, la langue.
Dressée comme un mur face à l'arithmétique stérilisante des suppots de la Vérité, une auteur.
Et franchement, aujourd'hui, je n'en vois pas beaucoup d'autres.

Libellés :

11 septembre 2006

Jean-Pierre Dupuy

En ces temps de commémoration à tout va, d'uniformes de pompiers et autres fiertés mal-placées, un ouvrage me vient à l'esprit.
Bon, c'est normal, il est tout frais. Je l'ai lu cet été, mais il date d'octobre 2002.
Avant d'en parler pourtant, je vais revenir à la genèse de sa découverte.

Je me souviens que c'est en surfant tout bêtement à la recherche d'informations sur les nanotechnologies il y a quelques années que je suis tombé pour la première fois sur le nom de Jean-Pierre Dupuy. Il avait écrit un article particulièrement puissant, sobrement intitulé "Impact du développement futur des nano-technologies sur l'économie, la société, la culture, et les conditions de la paix mondiale". En quelques points très simple, cet article n'expliquait pas seulement dans quelle mesure les nanotechnologies pouvaient être incontrôlables, mais surtout à quel point l'humanité n'était absolument pas (et n'est toujours pas) prête, au niveau politique, philosophique et social, à les accueillir. L'énonciation du 7ième risque des nanotechnologies, le "méta-risque", résumait à lui-seul la portée de cet article, qu'on pouvait subitement appliquer à bien d'autres domaines que cette science du futur (proche).

Quand on découvre un auteur, philosophe qui plus est, catastrophiste par dessus le marché, et enfin compréhensible pour un néophyte comme moi, vous imaginez bien qu'on cherche à en savoir plus. Je me suis donc rapidement procuré "Pour un catastrophisme éclairé : quand l'impossible est certain" et là encore, belle claque. [Je conseille au passage cette note de lecture appliquée de Henri Prévot] Dans la lignée directe de ce que j'avais cru comprendre de ce fameux "méta-risque", autrement dit la certitude, étant donnée la profusion des risques potentiels, que l'un d'eux se produise effectivement, cet essai était une sorte de guide à l'usage des sociétés post-11 septembre, ou du moins qu'on définit comme tel aujourd'hui, mais qui pouvait tout aussi bien être applicable avant 2001.

Après cette lecture, il devenait évident pour moi que l'ombre du 11 septembre planait sur les textes de Jean-Pierre Dupuy, et je le soupçonnais d'avoir été profondément affecté par cet événément planétaire.
Ce livre dont je voulais parler était en fait la clé qui me manquait et que je n'ai découvert que cet été, à la Fnac d'Avignon (comme quoi, ce festival n'aura donc pas totalement servi à rien).

"Avions-nous oublié le mal ? (Penser la politique après le 11 septembre)" est en effet le texte qui attaque de front la question de ce jour historique, en même temps qu'une charge contre la pensée, disons aristotélicienne, qui a largement dominé les débats par la suite, comme on peut encore le voir aujourd'hui-même au travers des angles choisis par les journaux et les documentaires pour aborder le sujet.
Pour résumer : une cause entraîne un effet, et s'il y a 3000 morts lors d'une attaque terroriste, c'est forcément qu'il y a une raison simple.
Jean-Pierre Dupuy sera peut-être plus clair que moi :
"S'il y a de l'horreur ou de la démence dans un acte, toute la détestation qu'il inspire se portera sur les croyances et les désirs qu'on lui impute comme causes, mais l'acte lui-même se trouvera justifié par ces mêmes causes devenues raisons."
Voilà en gros comment débute cette "anatomie du 11 septembre", remettant sérieusement les pendules à l'heure tout en balayant l'idée de "choc des civilisations" régulièrement avancée dans les analyses les plus respectées.
Ca n'est pas parce que le modèle occidental est différent du modèle arabe qu'il est haï, mais justement parce qu'il est identique.
"Lorsque la fièvre concurentielle s'étend à la planète toute entière et que certains, à ce jeu, perdent systématiquement, il est inévitable que ce mal qu'est le ressentiment (...) produise des ravages."

Posée sur ces mises au point, la pensée de Dupuy peut alors s'envoler et nous emmener bien plus loin que prévu, en particulier quand elle entre en collision avec une autre catastrophe démocratique, le 21 avril 2002 en France.
C'est l'objet et le prétexte de la dernière partie du livre qui pose ni plus ni moins la question (comme lorsque Dupuy parlait de nanotechnologies) : est-ce que nos sociétés modernes sont en mesure de se diriger elles-même ?
Pour y répondre, il faudra passer par plusieurs étapes dont la disqualification de la philosophie française, incapable de saisir à quel point la pensée économique est la nouvelle maitresse des théories d'organisation sociale -

"(...) les philosophes en France sont dans leur grande majorité incultes en matière de théorie économique." (p75)

- mais aussi, encore plus cinglant, le déni total des théories de John Rawls par celui qui fut pourtant le premier à publier en France la traduction de la "Théorie de la Justice", à l'enseigner et la défendre.
Ce revirement anti-économique post-11 septembre est tellement croustillant que je ne résiste pas à l'envie de vous en retranscrire un extrait :

"Je crains que dans l'après-11 septembre, mon jugement n'ait changé du tout au tout. Je regrette aujourd'hui d'avoir tant fait pour la diffusion de cette oeuvre. Elle concerne un monde possible qui serait peuplé de zombies raisonnables complètement étrangers au tragique de la condition humaine, mais ce monde n'est pas le nôtre, hélas peut-être. L'irénisme naïf, pompeux, académique et quelques fois ridicule des développements de Théorie de la Justice m'apparaît aujourd'hui une faute contre l'esprit. Ne pas voir le mal pour ce qu'il est, c'est s'en rendre complice." (p79)

Ouf ! J'ai comme l'impression que j'ai découvert Jean-Pierre Dupuy au bon moment de son oeuvre.

Je ne vais pas dévoiler les théories finales de l'auteur afin de réserver quelques surprises à ceux qui pourraient maintenant avoir envie de le lire (bizarre de parler d'un bouquin de philosophie comme d'un polar, non ?), mais sachez en tout cas que s'il vous prenait l'envie, pour je ne sais quelle raison (la propagande de TF1, la démagogie de Sarkozy, etc.) de commémorer le 11 septembre 2001, le mieux serait encore de le faire en lisant cet auteur primordial.

Libellés :

11 avril 2006

Mise à jour

Juste un petit point sur la mise à jour des liens que vous voyez à droite de la page.
J'ai ajouté quelques amis qui faisaient gravement défaut à cette liste.
D'abord Timothée Rolin.
Auparavant, je faisais un lien vers son Adam Project, mais comme celui-ci se fait vieux et qu'en plus, Timothée tient maintenant un blog-photos en direct de Kinshasa (République Démocratique du Congo), la mise à jour s'imposait.
Autre mise à jour, mais triste celle-ci, c'est la fermeture il y a quelques semaines des Chroniques Martiennes de Pouic. Bien dommage, mais que celui qui n'a jamais fermé son blog lui jette la première pierre...
Les nouveaux ensuite.
D'abord Zan, et son blog poético-photos à la sensibilité toujours décalée, un peu comme si l'auteur ne vivait pas dans la même ville que les quelques millions d'autres.
Autre nouveau, Jacques Perconte, collaborateur à ses heures de arsonore.net et artiste numérique touche-à-tout dont le blog résume parfaitement le travail. De la beauté digitale à chaque post...
Et pour finir, un habitué des commentaires de Troudair Reloaded, le grand Klu et son superbe projet Fricheries, où comment l'étude des ruines d'un monde industriel révolu témoigne de l'état de décrépitude de notre société.

Bon surf.

Libellés :

31 mars 2006

Jean-Louis Costes / Grand Père

Comme je le disais précédement, je devais écrire sur le roman de Costes pour fluctuat.
C'est chose faite et c'est en ligne ici => http://www.fluctuat.net/2940-Grand-Pere-de-Jean-Louis-Costes
Je pense que j'en rajouterai un peu sur ce blog, parce que le format webzine est un peu court pour moi, et surtout qu'il fallait que je speed pour publier le papier avant que Costes ne passe chez Ardisson samedi soir, mais il y a encore beaucoup de chose à dire sur ce roman, et croyez-moi, ce ne sont pas les universitaires en Lettres Modernes qui vont se pencher dessus...

[Edit 1er avril : désolé, je m'étais pas relu. le lien que j'ai donné hier était pas le bon. c'est rectifié.]

Libellés :

24 février 2006

Crevard [baise-sollers] de Thierry Théolier

Comme Fluctuat, le premier truc qui m'est venu à l'esprit quand j'ai entendu dire que Thierry écrivait un bouquin, ça a été "Pourquoi un livre ?"
Connaissant l'animal, et son militantisme web, sa haine vicérale de tout ce que peut représenter l'industrie du bouquin, du film, voire de l'industrie tout court, y'avait de quoi être surpris.

Ca, c'était avant d'avoir l'objet entre les mains, avant de savoir si c'était un long monologue nerveux ou un roman épique, une autobiographie ou un pamphlet.

En fait, j'aurais du m'en douter, "Crevard" c'est rien de tout ça, et comme d'habitude, Thierry pousse dans ses retranchements tout ce qu'il touche. Hier le web, aujourd'hui le papier, demain... allez savoir.

Dire que "Crevard" est illisible, qu'il faut, pour en comprendre toutes les subtilités, être inscrit à 25 listes de discussion, connaître les noms d'obscurs attachés de presse dont tout le monde se fout, et être rôdé au vocabulaire, abbréviations, acronymes et autres mots dont le sens échappe même à l'auteur, ce serait encore être très loin de la vérité.
"Crevard", c'est encore pire... aussi opaque que le business plan d'une entreprise taïwanaise traduit avec Altavista Babelfish, et à la fois aussi limpide que le fond d'un trou noir qui n'a d'autre fonction que de tout absorber pour le rebalancer dans une autre dimension à 800 fois la vitesse de la lumière, et dans le désordre de préférence.

Alors on peut y aller de son interprétation autant qu'on voudra, sur la forme littéraire, sur le "transfert contre-nature du Web sur le papier" [dixit Mathias Richard, l'éditeur], ou encore sur la création du rien à partir du pas grand chose, mais ce serait vain, parce que "Crevard" échappe à tout ça, belle machine rutilante à broyer du concept pour en faire les confettis de la grosse teuf négative à laquelle il nous convie. Les mots se compressent pour passer plus vite dans le tuyaux de la com, les idées se décharnent pour claquer plus vite à la gueule du lecteur, et même si tout ça au fond, ne veut rien dire, ne porte aucun message, ne développe aucune théorie, il ne s'agit jamais d'un témoignage, mais au contraire d'une préfiguration du monde qui nous attend, vidé de sa substance, fait de bruit et de fureur, de logos et d'avatars, d'égos et de zéros, poussés tous ensemble vers l'entropie inévitable que nous promet la 2e loi de la thermodynamique, et qui sait, peut-être même vers la destruction finale de tout ce merdier.

Voilà, "Crevard", c'est ça : que dalle, écrit par personne, le commentaire du commentaire du commentaire du commentaire, la 38000e peau de l'oignon que Thierry ne finit pas d'éplucher, et comme pour tout ce qu'il fait, le seul hommage qu'on puisse lui rendre, en bien ou en mal, c'est d'en parler.
En ce qui me concerne, c'est fait.

Libellés :

21 février 2006

Demoiselle à la souris

Grâce à l'outil de stats que je viens (enfin) d'installer sur ce blog (comment ça, j'ai toujours dit que je le ferai pas ?), entre autres mots clés marrants qui amènent le surfeur ici, je découvre le nouveau blog de Caroline Hazard.
Pté, Caro, tu peux pas prévenir quand tu ouvres un blog, nom d'un chien ?
Ca s'appelle "La vie des animaux (dessinée) à la souris" et ça me remplit de nostalgie.
Parce que bon, pour ceux qui ne connaissent pas la demoiselle en question, juste un peu d'histoire.
En juillet 2001, alors que tout le monde attendait devant sa télé que des tours tombent, on voyait apparaître sur le web un système de publication étrange et novateur avec des billets classés dans l'ordre chronologique inversé, une interface contributive, etc... Ca s'appelait "La Chambre des Demoiselles" et c'était la première fois que je voyais un blog.
Après avoir été interviewée par tous les médias de la Terre, Caro est pourtant retombée dans l'anonymat le plus complet alors que le million de skybloggers foireux feraient bien d'aller jeter un oeil aux archives de cette pionnière du journal collectif en ligne et en prendre de la graine au lieu d'écrire leur saloperies égocentriques et analphabètes.
Bref, tout ça pour dire que je suis heureux de pouvoir la lire à nouveau, avec en prime, des illustrations animalières dont vous pouvez admirer un exemple ci-contre.

Libellés :

14 février 2006

Costes - Grand père

Je suis pas critique littéraire... ça se saurait.
Mais il y a un truc que je sais faire, c'est défendre les brebis gâleuses.
Bientôt, ce sera Thierry Théolier (faut juste que je finisse son bouquin), et dans le presque même registre, il y a Costes.
J'aurais pas fini l'article que Fluctuat m'a demandé à temps, alors quand même, je fais un peu de pub parce que le bouquin sort demain et que ça vaut vraiment le coup.
Les afficionados de nos manifestations provinciales se souviennent de la nuit vidéo qu'on lui avait consacrée au Loft en 2001.
Trash, dégueu, scato, pipi, caca, mais tellement drôle... c'est un peu ce que les rares spectateurs auront retenu du personnage à l'époque (mon exemplaire VHS du mythique "Sorcier Blanc" continue de tourner sous le manteau depuis ce temps-là).
J'y reviendrais plus en détails dans le papier que je vais lui consacrer, mais si vous ne devez retenir qu'une chose, c'est que le roman de Costes, sous ses airs de punk rentre-dedans, est franchement une réussite, et la chose la plus impressionnante, c'est probablement le style, à mille lieues des nullités soit disant subversives, style "Baise-moi", que les éditeurs en mal de sujet-verbe-complément ont pu nous faire gober depuis quelques années.
A suivre...

Libellés :

09 janvier 2006

L'art de la guerre

Comme Bobig m'a promis cette somptueuse toile, je me suis dit que je ne pouvais pas la prendre sans lui transmettre à mon tour une petite création originale.
Alors voilà, ça s'appelle "Nos fautes sont toujours stratégiques". C'est un triptyque photographique et j'ai quand même eu le temps de le prendre en photo avant de l'envoyer.

Pour ceux qui souhaiteraient en faire une impression eux-mêmes (on peut toujours rêver), voici les trois photos réunies dans un zip : fautes.zip

Libellés :

03 janvier 2006

Le lièvre et le gorille

En plus d'être un excellent artiste (peintre et vidéaste), Pascal Lièvre vient d'ouvrir son blog.
Un petit lien donc vers cette intéressante analyse du King Kong de Peter Jackson.
Et dire que je l'ai pas encore vu...
King Kong sauveur de Darwin ?

Libellés :

20 octobre 2005

Dustan (suite)

Décidement, Libé se lâche sur Dustan... maintenant qu'il est mort.
On ne va pas les blâmer, après tout. Mieux vaut tard que jamais.
Mais enfin, c'est un peu flippant aussi de voir qu'il faut nécessairement (tré)passer par la case Faucheuse pour avoir un semblant de crédibilité ici-bas.
Peut-être à cause de la jalousie.
Parce que la phrase est certes hors-contexte, mais ce Rebonds de Libé écrit par Thomas Clerc se termine tout de même par "J'espère que Guillaume Dustan n'est pas encore arrivé au paradis parce que «Dieu est un petit Blanc hétéro». Je voudrais qu'il reste avec nous, en enfer."
Ailleurs dans la presse, en particulier de jeunes branchouilles parigotes qui lui doivent tout mais qui préfèreraient se faire enfiler par un clodo plutôt que de l'admettre, pas ou peu de commentaires. Juste une ou deux annonces nécrologiques qui prennent bien la peine de préciser que Dustan, c'était vraiment pas leur tasse de thé.
Pour les blogs en revanche, ya du monde. Et je ne crois pas connaître aucun quotidiens, magazine ou revue qui ne se soit fendu de son petit dossier "phénomène de société", vous savez, ce genre de papier superficiel qui énèrve les vieux bloggers et motive les jeunes à en faire encore plus dans l'étalage. C'est qu'il faut se faire remarquer, au milieu de 8 millions d'autres fils d'info intimes mis à jour quotidiennement.
Un dossier sur Dustan ? S'il existe, montrez-le moi.
Et pourtant, Dustan racontait sa vie tout pareil, évitait la fiction tout pareil, et ses bouquins ressemblaient beaucoup à nos dossiers d'archives, avec juste un peu plus de queue que de tête, peut-être.
Enfin, à nouveau, pour ceux qui ne connaissent pas, n'hésitez pas à filer sur ce beau Rebond (Mon coeur est mort (pour Guillaume Dustan)), parce que dans quelques mois, on ne saura même plus que ce type a existé.

Libellés : ,

11 octobre 2005

Thread up !

Il y a deux choses.
La première, c'est que je ne suis pas souvent d'accord avec Libé, alors quand je le suis, il est utile de le dire.
La seconde, c'est qu'être d'accord avec Libé aujourd'hui, et ce papier sur Guillaume Dustan qui est mort la semaine dernière, ça veut dire être d'accord avec la belle dernière phrase d'Eric Loret. "Avec sa disparition, la littérature de l'avenir est déjà du passé."
Tourné comme il est tourné, cet article nous parle de toute une période, quelque part dans le passé, une période dont on se doutait qu'elle était achevée, mais pas vraiment certains non plus.
Aujourd'hui, on est sûrs. Ces années d'effervescence nihiliste, où on était même capable de trouver un sens, aussi dérisoire soit-il, à la collision des paillettes et de l'encre, du champagne et de la lutte des classes...
J'aurais dû m'en douter, d'ailleurs, au moment où Thierry s'est décidé à sortir son bouquin, et du bois numérique par la même occasion. J'aurais dû sentir que quelque chose s'achevait. Mais souvent il faut que quelqu'un meurt pour vraiment tourner la page.
Bien sûr, je ne connaissais pas personnellement Dustan. Mais comme pour Eric Loret, il représentait quelque chose. Une icône non, mais en tout cas un type dont tous les écarts, toutes les exubérances, tous les doutes et tous les coups d'éclat étaient complètement en phase avec ce qu'on pensait alors.
Il me revient des images, sur le toit du Loft, un jour d'été, où je lisais "Nicolas Pages" à haute voix (ceux qui étaient là doivent se souvenir de ce jour), et ce journal auto-fictionnel avait quelque chose de privé, de confidentiel. C'était pas un livre que je lisais. Encore moins un livre acheté à la FNAC. C'était le journal d'un copain. Et il aurait pu être là que ça n'aurait choqué personne.
A quand remonte cette image ? 2000 ? 2001 ? Je venais de fuir Paris, mais Paris était encore là, partout, ce Paris-là (P.A.R.I.S. dirait Thierry) qui s'est désagrégé petit à petit, au fur et à mesure que mon exil durait, jusqu'à ce que ce ne soit plus un exil. Parce que d'un exil, on revient.
Il y a quelques jours donc, quand Nicolas (celui de Tourgueniev, pas Pages) m'a dit que Dustan était mort, ça m'a fait bizarre, sûrement cette même impression que ressentent les vieux qui voient un par un tomber leurs copains d'armée en feuilletant la rubrique nécrologique du canard du coin. Et cette impression encore en ouvrant libe.fr ce matin. Au cas où j'aurais eu un doute, maintenant c'est sûr. Tout ça, c'est terminé. L'exil n'est plus un exil. Je ne reviendrai plus à Paris. Il n'y a plus ni de lieu, ni d'époque à laquelle je puisse m'accrocher pour avoir l'impression d'appartenir à quelque chose. Il n'y plus que le présent, le futur, et toutes les responsabilités qui vont avec.
Avant ça, j'aurais pu encore dire que voilà, ça y est, la page est tournée. Mais aujourd'hui, il n'y a même plus de page. Et Guillaume Dustan, Paris, la littérature, le champagne, la lutte des classes, c'est plus du papier.
C'est juste un post qui vient de disparaitre dans les archives.
Et je sais même pas si c'est triste.

Libellés : ,

23 juin 2005

sortie littéraire

c'est pas souvent que mes textes sont publiés autre part que sur le web, alors il faut bien en parler.
bon évidemment, c'est pas du roman expérimental, auto-fictionnel et trashos, pas plus qu'un essai cinglant poético-politique et contemporain, mais c'est pas pour ça que ça mérite pas quelques lignes...
Le bouquin s'appelle donc "Quartiers de vie", une commande de l'Office Auxerrois de l'Habitat, qui a réuni une dizaines d'auteurs pour faire les portraits de 21 locataires des 21 quartiers d'Auxerre que gère l'Office HLM.
au travers de ces 21 témoignages, on se refait l'histoire de la ville et de l'évolution du logement social depuis près d'un demi-siècle, à coup d'anecdotes, de belles histoires ou de tragédies personnelles.
moi j'ai écrit deux portraits, celui d'un couple de militants associatifs habitant une cité dite "sensible" alors qu'ils auraient tout à fait les moyens de vivre dans un appart classe du centre-ville, et un autre sur une charmante vieille dame qui n'a pas quitté son appartement depuis 50 ans.
l'exercice de style n'était pas si simple qu'il en avait l'air mais personnellement, j'aime assez le résultat, modeste et juste la plupart du temps.
pour tous ceux qui n'habitent pas Auxerre, ça va être un peu la croix et la bannière pour vous le procurer, mais pour les autres, le livre est en vente dans toutes les librairies de la ville.

« Quartiers de vie - Auxerre 2005 », Office auxerrois de l’habitat.
Textes de P. Bénard, G. Courtois, B. Dupin, R.J. Favier, B. Guibert, F. Huart, A. Kewes, A. Lambert, J.M. Perret, E. Poulet-Reney, V. Roussot, P. Thuru.
Photographies de N. Gallon.
Réalisation de Rico.
96 pages, 10 euros.

Libellés :