Troudair Revolutions

Fil d'info en continu sur les conséquences de la fin du monde qui a eu lieu le 15 décembre 1999.

07 mai 2007

Coeur ouvert

La population a donc trouvé son opium, et à tous ceux qui ce matin sont consternés, rappelons que le spectaculaire d'un suffrage universel ne doit pas faire oublier que la démocratie n'a rien d'une roulette russe. Le résultat des urnes était connu, bien trop connu et depuis bien trop longtemps pour qu'on s'indigne aujourd'hui alors qu'hier aucune réelle réflexion n'aura été portée, par aucun candidat, sur les thèmes chers aux Français qui ont fait consensus depuis maintenant 2 ans, à savoir le travail et ce que les instituts de sondage ont appelé le pouvoir d'achat.

"On veut du fric, et on en veut plus", est donc plus ou moins le discours qui a fait gagner le plus populiste de 12, sans surprise, et avec une passion à laquelle lui-même semblait croire.

Pour ce premier jour des années noires que nous nous apprêtons à vivre, j'ai donc envie de présenter une nouvelle installation présentée au Théâtre d'Auxerre. D'abord, parce qu'elle est plastiquement superbe, ensuite parce que le petit texte collé en exergue s'avère d'une étrange actualité.

"S'il y a un Dieu qui régit le football, ce Dieu est surtout ironique et farceur, et Garrincha fut un de ses sujets, chargé de s'échapper de tous et de tout... Ce fut un pauvre petit mortel qui aida un pays entier à sublimer ses tristesses.
Le pire est que les tristesses reviennent, et il n'y a pas un autre Garrincha disponible. Il y a grand besoin d'un nouveau pour alimenter nos rêves."


Ce texte de Carlos Dummond de Andrade introduit donc l'installation "Manuel" de Rodolphe Cintorino, consistant en un coeur que le spectateur peut "faire battre à nouveau" en envoyant un sms au numéro indiqué.

Par cette pièce, c'est un aspect important de la politique que Rodolphe Cintorino met en avant, et de sa fusion avec d'un côté l'imagerie religieuse, de l'autre la ferveur médiatique. Nous baignons actuellement dans les deux, et sommes en quête de dispositifs susceptibles "d'alimenter nos rêves". En automne, c'est la Starac qui remplit ce rôle, où les sms remplacent idéalement l'isoloir, et tous les 5 ans désormais, c'est le suffrage universel, où l'isoloir précisement se change en dispositif interactif déclencheur d'espoir et destructeur de tristesse.

La démocratie, par contamination, en est donc arrivé à ce point d'aveuglement global, premièrement rattrapée par un capitalisme récupérateur qui trouvait dans ce curieux système le meilleur moyen d'apporter l'illusion de la liberté, puis dans un second mouvement, modifiée elle-même par les méthodes de ce capitalisme, lequel offrait "tout et tout de suite" sans avoir à trop se poser de questions, sans faire trop d'efforts ni de sacrifices, et surtout ne demandant comme investissement qu'une foi bornée en un idéal toujours plus proche de l'après-vie biblique. Un jour vous serez riches, tout le monde a sa chance... On n'est pas loin des derniers qui seront demain les premiers...

Arrivés à ce point où la majorité (et pas seulement les 53% d'électeurs de Nicolas Sarkozy) ont adhéré à cet idéal politico-religieux, inutile de se lamenter sur la recontruction des gauches, ou de diaboliser les méchants monsieurs de droite, car l'un et l'autre n'y sont pour rien, ne faisant qu'obéir à un mouvement général.

Le vrai combat aujourd'hui est le même qu'hier, et qu'il y a 5 ans, et il se situe au plan philosophique et purement idéologique. S'imaginer qu'un vote (dans une urne ou par sms) changera le monde, c'est être bien naïf et oublier que le désir profond du monde occidental était et demeure de "travailler plus pour gagner plus".

Tant que personne ne s'attaquera à cette logique, et que même les syndicats les plus à gauche y adhérerons, que même le Parti Socialiste défilera dans les rues pour "la sauvegarde du pouvoir d'achat", personne d'autre ne pourra diriger ce pays que celui qui se donnera les moyens de mettre en application ce programme suicidaire.

Voilà pourquoi Ségolène Royal avait le sourire hier soir.
Car elle était heureuse d'avoir enfin un président en accord avec ses idées de capitalisme populaire...

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