Troudair Revolutions

Fil d'info en continu sur les conséquences de la fin du monde qui a eu lieu le 15 décembre 1999.

27 avril 2007

Bruce Bégout - L'éblouissement des bords de route

On aura compris que je ne suis jamais en phase avec l'actualité culturelle, et encore moins littéraire. Certes j'achète des livres, mais ce sont, pour la plupart, des livres de garde, comme on parle de vins de garde, de ceux qui vieillissent dans l'obscurité des caves pour s'améliorer, ou bien devenir rapidement de sinistres piquettes. Dans ce dernier cas pourtant, tout n'est pas perdu, puisque très rapidement, à la lecture de ces ouvrages à haut degré de pourrissement, il suffit de quelques pages pour le comprendre, et l'économie de temps vaut largement l'argent investi.

Le livre de Bruce Bégout, "L'éblouissement des bords de route", est tout le contraire de ces vinaigres littéraires aux étiquettes ornées de dorures. Recueil de pensées recueillies lors des voyages de l'auteur aux Etats-Unis, invité en tant que philosophe à d'obscurs colloques tout droit sortis de romans de David Lodge, les courts récits qui le composent se goûtent en effet comme autant de gorgées d'un liquide qui reste en bouche longtemps après avoir posé son verre.

Publié en 2004, ces visions et réflexions apparaissent aujourd'hui d'une surprenante actualité, tant cette France proposée par les candidats à la présidence de la République ressemble de plus en plus à l'idéal américain ici décrit. Mais dans l'oeil du philosophe, les paillettes se ternissent, le plein emploi ne veut plus rien dire, et ne restent que les pratiques, les pensées et la manière dont les personnes qui peuplent ce rêve appréhendent leur réel.

Supermarchés, motels, parking ou cités étudiantes sont ainsi autant de terrains de réflexion pour un observateur impassible qui parvient toujours à déplacer suffisament son regard afin de ne pas tomber dans l'apparence convenue des tableaux qui défilent. Et de ces fragments d'oeil décalé finit par surgir une image, vraie celle-ci, de la société américaine telle qu'elle est, et à terme, de la société occidentale qui nous guète indiscutablement.

Comment, en effet, ne pas penser à nos propres pratiques de consommation à la lecture de "Microscopie du caddie", étude minutieuse d'un objet trop banal pour qu'on y pense encore ? Et dans ce texte comme dans beaucoup d'autres, ce n'est plus seulement des Américains qu'il est question, mais bien d'un mode de vie mondialisé ou en passe de l'être.

"Par sa forme et sa fonction, le Caddie réalise dans l'espace l'ingurgitation à venir des produits qu'il charrie. Il concrétise l'acte d'absorber une parcelle du monde qui nous entoure. Avant même d'avaler toutes les nourritures que nous sélectionnons, nous les entassons et les promenons dans ce bac mobile, extension de notre corps à laquelle nous avons ajouté quatre roues. Une panse sur roulettes qui nous précède partout, épouse nos mouvements, dicte nos gestes, voilà ce qu'est en somme un Caddie." ("Microscopie du Caddie", p69)

Le livre de Bruce Bégout, par ailleurs auteur d'essais sur la ville américaine au XXe siècle, parvient donc, en quelques touches fulgurantes, à dépeindre un monde familier et inquiétant, celui de l'hyper-consommation, des espaces déshumanisés où chaque rue, chaque allée, mène à un point commercial, comme les pistes des ruminants d'Afrique mènent aux points d'eau, et dans lequel ce qui reste d'humanité erre dans des zones désertiques et abandonnées, laides et poussiéreuses car ne présentant aucun intérêt marchand. Ce monde, qui mérite d'être embelli à la seule condition qu'il soit à vendre, c'est celui dans lequel nous vivons déjà, identique sur des kilomètres, où l'on peut se tromper de motel tellement tous se ressemblent ("Chambre A-43").

Dans un chapître somptueux analysant le comportement du tristement célèbre "sniper de Washington", Bruce Bégout apporte quelques indices sur le destin qui menace ces sociétés sans but, où les trois-quarts de notre temps se passe dans "des espaces mornes, faits de tôle et de chrome".

"La laideur ne peut laisser indifférent ceux qui la vivent quotidiennement. Un jour ou l'autre, elle pousse un homme à sortir de ses gonds. La résignation dorée est pour l'instant un fait établi, mais sa puissance de conviction commence à se fissurer. Malheureusement abêti par son environnement, le contestataire n'a d'autre solution que de conforter la stupidité ambiante de la société qu'il exècre." ("Le sniper", p123)

Voilà les choses que j'aurais aimé entendre pendant cette campagne présidentielle. Car cette fois, il n'est pas besoin d'être philosophe pour comprendre que ce point de non-retour qui pousse un homme à abattre ses congénères au fusil à lunette, ou bien ses camarades de classe au pistolet automatique, cet état de dégoût et de colère n'a strictement rien à voir avec le fait de se lever tôt (comme le dit Sarkozy), ou de vivre dans un pays qui affiche une belle croissance (comme le dit Royal). Ce point critique de destruction est au contraire inévitable si nous, les populations, continuons à vivre le monde comme un lieu de détresse et d'abandon dès lors que nous ne possédons pas ce que l'effrayante déferlante de publicité nous invite à posséder.

"Si un homme avide d'expériences radicales prenait au mot toutes les annonces publicitaires qu'il perçoit en une journée et accomplissait aussitôt sans renâcler tout ce qu'elles l'exhortent à faire, qu'adviendrait-il de lui ?" ("Wigwam Motel", p12)

En creux, c'est ainsi une autre question que pose Bruce Bégout tout au long de cet ouvrage, une question qui a depuis longtemps et encore aujourd'hui toute sa pertinence, à l'heure où même les syndicats, où même des individus qualifiés "de gauche" réclament "plus de pouvoir d'achat" : Puisque de toute évidence, nous ne pouvons pas tout faire, nous ne pouvons et ne pourrons jamais tout acheter, alors dans cette insatisfaction permanente, et cette frustration quotidienne, bientôt, peut-être demain, qu'adviendra-t-il de nous ?

L'éblouissement des bords de route, Bruce Bégout / Editions Verticales

Libellés : ,

19 avril 2007

Exclusivité - la photo du tireur fou

tommytommy

Libellés :

17 avril 2007

Les coïncidences n'existent pas

Pas plus que les visions, ou les pressentiments, je reste convaincu que nous habitons un lieu clos, capitoné, à l'intérieur duquel nous sommes soumis au vacarme perpetuel du monde. Des voix nous parviennent, des images, des couleurs, des idées, qu'aucun d'entre nous ne peut saisir en totalité.
Pour comprendre, pour ne pas sombrer dans le fatalisme, l'impuissance et la pensée déstabilisante que trop nous est donné et que rien n'a de sens, nous sommes contraints d'organiser ces flux, de les ranger en des blocs synthétiques. Ces choix que nous faisons à chaque instant, garder ce qui nous semble utile et jeter tout le reste, est l'activité principale de notre cerveau. Aucune autre ne l'occupe autant.
Nous sommes des machines à évacuer l'inutile, en masse, à découper comme des bouchers les informations brutes qui nous traversent pour n'en garder que les parties comestibles qui viendront prendre place dans l'édifice logique que nous avons conçu pour permettre à notre raison de survivre.
Nous voyons dans les nuages des figures animales, car imaginer leurs exactes dimensions et l'affolante compléxité de leurs composants nous plongerait dans la folie.
Ainsi je n'imagine pas, aujourd'hui, le moindre rapport entre le fait d'avoir lu en public, vendredi dernier, le texte de Lars Norén, "Le 20 novembre", et le fait divers qui aujourd'hui endeuille l'Amérique.
Car cette information me paraît signifiante pour cette seule raison, et qu'au delà de l'effrayant bilan humain, j'en viens à douter d'y avoir prêté une quelconque attention si mon esprit ne s'était pas au préalable ouvert aux motivations de ces jeunes qui éprouvent le besoin de s'armer pour ouvrir le feu sur leurs camarades de classe.
J'ai une preuve pour coroborer ces propos étranges.
Avant de découvrir le texte de Lars Norén, je ne crois pas me souvenir d'avoir jamais entendu parler de Sebastian Bosse, qui le 20 novembre 2006, c'est à dire hier, a lui aussi perpétré sa tuerie cathartique dans un collège allemand. Je ne crois pas m'en souvenir, mais j'ai probablement vu passer cette information.
Nous sommes des machines à oublier.

Libellés :

12 avril 2007

1000

Rapidement un message d'autosatisfaction transie.
D'abord pour annoncer, car c'est évidemment passé inaperçu, que cette vignette



était la 1000e vignette de la série "Airhole Special Agent", toutes saisons confondues.
C'est vrai, on se rend pas compte comme ça, mais à raison d'au moins une connerie par vignette, ça fait plus de 1000 conneries débitées depuis 6 ans, et c'est loin d'être négligeable !

Bref, pour continuer sur le même registre, cette saison de Airhole, même si elle ne rencontre pas vraiment autant de public que les précédentes (les stats sont pas terribles), est quand même très largement relayée par la presse et les blogs.
Pour ceux que ça intéresse (qui ?!), voici donc quelques liens où on cause de Airhole et/ou de votre serviteur :

- "Airhole, le roman-photo de la campagne" sur l'édition en ligne du quotidien Métro
- "Un roman-photo politico-rigolo sur le web" sur le site de Nova
- L'excellent récapitulatif de Allthatwewant
- Sans oublier, en kiosque, le n°592 des Inrocks qui faisait un gentil papier sur la série (ce qui explique la référence qui ne vous aura pas échappée dans l'épisode 8)

Bref, si vous voyez passer d'autres trucs, dans la presse papier en particulier, hésitez pas à me le dire car les journalistes ne prennent pas toujours la peine de m'avertir, et ce serait dommage que la collection de coupures de presse de ma maman soit incomplète !

Libellés :

04 avril 2007

tommytommy

Libellés :