Troudair Revolutions

Fil d'info en continu sur les conséquences de la fin du monde qui a eu lieu le 15 décembre 1999.

24 février 2006

Crevard [baise-sollers] de Thierry Théolier

Comme Fluctuat, le premier truc qui m'est venu à l'esprit quand j'ai entendu dire que Thierry écrivait un bouquin, ça a été "Pourquoi un livre ?"
Connaissant l'animal, et son militantisme web, sa haine vicérale de tout ce que peut représenter l'industrie du bouquin, du film, voire de l'industrie tout court, y'avait de quoi être surpris.

Ca, c'était avant d'avoir l'objet entre les mains, avant de savoir si c'était un long monologue nerveux ou un roman épique, une autobiographie ou un pamphlet.

En fait, j'aurais du m'en douter, "Crevard" c'est rien de tout ça, et comme d'habitude, Thierry pousse dans ses retranchements tout ce qu'il touche. Hier le web, aujourd'hui le papier, demain... allez savoir.

Dire que "Crevard" est illisible, qu'il faut, pour en comprendre toutes les subtilités, être inscrit à 25 listes de discussion, connaître les noms d'obscurs attachés de presse dont tout le monde se fout, et être rôdé au vocabulaire, abbréviations, acronymes et autres mots dont le sens échappe même à l'auteur, ce serait encore être très loin de la vérité.
"Crevard", c'est encore pire... aussi opaque que le business plan d'une entreprise taïwanaise traduit avec Altavista Babelfish, et à la fois aussi limpide que le fond d'un trou noir qui n'a d'autre fonction que de tout absorber pour le rebalancer dans une autre dimension à 800 fois la vitesse de la lumière, et dans le désordre de préférence.

Alors on peut y aller de son interprétation autant qu'on voudra, sur la forme littéraire, sur le "transfert contre-nature du Web sur le papier" [dixit Mathias Richard, l'éditeur], ou encore sur la création du rien à partir du pas grand chose, mais ce serait vain, parce que "Crevard" échappe à tout ça, belle machine rutilante à broyer du concept pour en faire les confettis de la grosse teuf négative à laquelle il nous convie. Les mots se compressent pour passer plus vite dans le tuyaux de la com, les idées se décharnent pour claquer plus vite à la gueule du lecteur, et même si tout ça au fond, ne veut rien dire, ne porte aucun message, ne développe aucune théorie, il ne s'agit jamais d'un témoignage, mais au contraire d'une préfiguration du monde qui nous attend, vidé de sa substance, fait de bruit et de fureur, de logos et d'avatars, d'égos et de zéros, poussés tous ensemble vers l'entropie inévitable que nous promet la 2e loi de la thermodynamique, et qui sait, peut-être même vers la destruction finale de tout ce merdier.

Voilà, "Crevard", c'est ça : que dalle, écrit par personne, le commentaire du commentaire du commentaire du commentaire, la 38000e peau de l'oignon que Thierry ne finit pas d'éplucher, et comme pour tout ce qu'il fait, le seul hommage qu'on puisse lui rendre, en bien ou en mal, c'est d'en parler.
En ce qui me concerne, c'est fait.

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21 février 2006

Demoiselle à la souris

Grâce à l'outil de stats que je viens (enfin) d'installer sur ce blog (comment ça, j'ai toujours dit que je le ferai pas ?), entre autres mots clés marrants qui amènent le surfeur ici, je découvre le nouveau blog de Caroline Hazard.
Pté, Caro, tu peux pas prévenir quand tu ouvres un blog, nom d'un chien ?
Ca s'appelle "La vie des animaux (dessinée) à la souris" et ça me remplit de nostalgie.
Parce que bon, pour ceux qui ne connaissent pas la demoiselle en question, juste un peu d'histoire.
En juillet 2001, alors que tout le monde attendait devant sa télé que des tours tombent, on voyait apparaître sur le web un système de publication étrange et novateur avec des billets classés dans l'ordre chronologique inversé, une interface contributive, etc... Ca s'appelait "La Chambre des Demoiselles" et c'était la première fois que je voyais un blog.
Après avoir été interviewée par tous les médias de la Terre, Caro est pourtant retombée dans l'anonymat le plus complet alors que le million de skybloggers foireux feraient bien d'aller jeter un oeil aux archives de cette pionnière du journal collectif en ligne et en prendre de la graine au lieu d'écrire leur saloperies égocentriques et analphabètes.
Bref, tout ça pour dire que je suis heureux de pouvoir la lire à nouveau, avec en prime, des illustrations animalières dont vous pouvez admirer un exemple ci-contre.

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Vie locale

Oula... un grand moment comique hier dans notre quotidien régional préféré.
De la vraie politique qui n'en veut comme je croyais que ça n'existait plus.
Alors certes, on ne tire pas sur les ambulances, mais quand elle nous fonce dessus, l'ambulance, on fait quoi ?

Je résume un peu la situation politique locale pour ceux qui ne sont pas d'Auxerre :
Après 30 ans de domination sans partage de Jean-Pierre Soisson sur la ville, Guy Ferez devient maire PS à la tête d'une majorité "plurielle" lors des dernières élections. Cette victoire surprise est essentiellement dûe, d'après d'éminents analystes, à la candidature de Bernard Revest, freelance sans étiquette fixe qui sème le trouble dans les rangs de la droite.
Depuis, c'est un peu le bordel. La majorité, qui ne s'attendait pas vraiment au cadeau, tente de composer avec la machine de guerre magouillo-administrative que Soisson avait laissée derrière lui ainsi qu'avec des co-listiers encombrants mais qu'il fallait bien accepter pour gagner...

[Note : Sur commande, je peux causer un peu de l'affaire Safia Ottokoré et casser quelques préjugés et jugements hâtifs balancés dans la presse nationale au moment du présumé scandale, mais pas tout de suite, c'est pas le sujet.]

Bref, on a donc cette majorité pas toujours d'accord avec elle-même, et en face, une opposition emmenée par l'UMP Jean-Louis Hussonnois, quelques UDF et quelques représentants du groupe Revest.

Hussonnois donc, est un gars plutôt marrant, plutôt décontracté, et on entend même dire parfois dans les salons qu'il est plus à gauche que Ferez, ce qui, même si ça n'est pas un exploit, est un autre grand héritage des années Soisson.
Le brouillage des cartes politiques, à Auxerre, ça nous connaît.

Pour preuve, le dernier conseil municipal où Hussonnois, contre son propre groupe, vote pour le budget de la majorité. Ah oui, on se marre bien, nous, ici, je vous avais prévenu.

Mais voilà... ces écarts à gauche ne plaisent pas forcément aux pitits jeunes DL qui n'en veulent et voilà pas que surgit Thomas Krob, bien décidé à devenir le leader d'un parti qui gagne. Par voie de presse (c'est à dire une demi-page entre le chien de madame Michu écrasé par un poids lourd et l'annonce de la foire au boudin de Nitry), ce jeune loup annonce donc sa candidature pour les prochaines municipales.

L'interview publiée hier est un monument à montrer dans toutes les écoles.
A vrai dire, je ne sais même pas si je dois rire ou pleurer devant de tels propos.
Jean-Louis Hussonnois, a décidé d'en rire sur son blog. Je vais pour ma part me contenter de relever comme lui quelques phrases choc qui feraient passer Jean-Claude Vandamme pour Sartre.

Florilège :

"Je suis un candidat neuf, fédérateur, consensuel et volontaire."

Oui, nous sommes aux 21e siècle et il est encore possible de se définir comme "consensuel" sans avoir l'air con.

[Au sujet du vote de Hussonnois au conseil municipal.]
"Je ne comprends pas mais je condamne."

A croire que c'est le grand penseur du gouvernement en place !

[Son projet pour Auxerre.]
"Doit-on continuer à être aussi loin de Paris alors que nous en sommes si proches ?"

Chacun se souviendra ici de la superbe chanson de U2, "Stay" et du film de Wim Wenders... Faraway, so close.
Mais sans plaisanter, il faudrait que le jeune Krob essaie d'aller à Paris à 15h en train, juste pour voir à quel point on est proche...

"un budget équilibré n’est pas forcément un bon budget"

Attention, c'est le gestionnaire qui parle.
Et pour le contribuable qui avait peur que les politiques fassent n'importe quoi avec son pognon, au moins là, il est fixé !

"La gauche est arrivée au pouvoir de façon contre-nature. Elle a été surprise.
Du coup, on orchestre une politique de paillettes. On sort les pelleteuses, on ouvre des chantiers un peu partout, on crée des conseils de quartier. Bref, on veut montrer qu’on est là et qu’on existe. C’est de la gestion à la petite semaine."


Un chantier, c'est bien connu, ça s'ouvre en claquant des doigts et en deux semaines c'est plié.
Mais le passage le plus drôle c'est que l'individu a lui-même dirigé l'un des conseils de quartier pendant 4 ans !
Le journaliste, pas plus con qu'un autre, repère l'invraissemblance. Et Krob de répondre :
"J’avais envie de participer à la vie de la cité et je me suis engagé à 100 % pendant ces quatre années."

Heu... j'avoue ne pas tout comprendre, mais si quelqu'un peu m'expliquer s'il est pour ou contre la démocratie de proximité, je suis preneur.

Toujours sur le conseil de quartier, faudrait aussi éviter de tendre le bâton pour se faire battre... parce que l'affirmation "Nous avons d’ailleurs été assez novateurs (...) en organisant des (...) des visites du théâtre." Aïe... A nouveau, un beau plébiscite de l'équipe PS en place puisque les visites du Théâtre sont justement un service proposé dans le cadre de l'ouverture du Théâtre aux nouveaux publics, objectif d'inspiration gauchiste, moyennant la création d'un poste d'animateur chargé des relations publiques dont le Théâtre et la Ville, sous Soisson, n'avaient jamais trouvé utile de se dôter...

Enfin... la conclusion du vainqueur, incisif, teigneux, motivé, combattif :

"Je le dis avec beaucoup d’humilité mais je ne pars pas pour être numéro 2."

Cours Forrest ! Cours !

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20 février 2006

La menace plane

Alors que Grégoire entre dans sa quatrième semaine de détention, la vidéo qui vient de nous parvenir est des plus inquiétantes...
Le groupe radical jusqu'alors non-identifié affiche désormais son nom au grand jour : les Murray Newton Rothbard Brigades.
Si l'un de nos lecteurs possède une quelconque information sur ces individus et/ou leurs agissements, merci de les envoyer au blog, qui transmettra.
Grégoire Courtois, otage

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18 février 2006

tommytommy

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15 février 2006

Log

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Diam's donne sa bénédiction au Lo-fi Covering Orchestra

Bon, c'est pas la première fois, mais il faut croire que Rebecca Manzoni aime beaucoup le Lo-Fi Covering Orchestra parce qu'à l'occasion de la venue de Diam's sur le plateau de l'émission Eclectik sur France Inter ce matin, on a pu entendre à nouveau la version "Olympia 69 Farewell" de la chanson "DJ".
Comme il existe désormais un podcast des émissions de France Inter, vous pouvez donc choper l'enregistrement et écouter les commentaires de Diam's sur cette superbe reprise (ça se passe autour de la 32e minute je crois).
Bon, par contre, ce qui m'embête un peu, c'est que je suis pas seul dans le Lo-fi Covering Orchestra, et il n'y a que moi de cité, alors quand même, hésitez pas, pour ceux qui connaissent pas, à écouter les autres versions concoctées par mes acolytes, Laurent et Kenny.
Autre problème posé par cette diffusion.... Cela fait bien longtemps que l'orchestre n'a pas sorti de Tribute !
Est-ce que les trompettes de la gloire vont nous faire nous remettre au boulot ?
Des bruits courent dans les studios d'enregistrement...
Le Lo-fi Covering Orchestra serait sur le point de se reformer...
Ah... et j'oubliais... Même Jérôme Laperruque nous rend un vibrant hommage dans son billet du 12 février, en mettant en écoute une des reprises de Lorie.
Si ça, c'est pas un plébiscite, bon dieu !

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14 février 2006

Costes - Grand père

Je suis pas critique littéraire... ça se saurait.
Mais il y a un truc que je sais faire, c'est défendre les brebis gâleuses.
Bientôt, ce sera Thierry Théolier (faut juste que je finisse son bouquin), et dans le presque même registre, il y a Costes.
J'aurais pas fini l'article que Fluctuat m'a demandé à temps, alors quand même, je fais un peu de pub parce que le bouquin sort demain et que ça vaut vraiment le coup.
Les afficionados de nos manifestations provinciales se souviennent de la nuit vidéo qu'on lui avait consacrée au Loft en 2001.
Trash, dégueu, scato, pipi, caca, mais tellement drôle... c'est un peu ce que les rares spectateurs auront retenu du personnage à l'époque (mon exemplaire VHS du mythique "Sorcier Blanc" continue de tourner sous le manteau depuis ce temps-là).
J'y reviendrais plus en détails dans le papier que je vais lui consacrer, mais si vous ne devez retenir qu'une chose, c'est que le roman de Costes, sous ses airs de punk rentre-dedans, est franchement une réussite, et la chose la plus impressionnante, c'est probablement le style, à mille lieues des nullités soit disant subversives, style "Baise-moi", que les éditeurs en mal de sujet-verbe-complément ont pu nous faire gober depuis quelques années.
A suivre...

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12 février 2006

La détresse...

Les jours s'égrainent et 15 images par seconde, pendant un peu plus d'une minute, voilà ce qui nous fait tenir, et encore espérer. Non, Grégoire, nous ne t'oublions pas...

Grégoire Courtois, otage
Vidéo n°4 en ligne

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08 février 2006

Tribord toute, capitaine !

Et vogue la galère...
Dans la suite logique des récentes études et décisions de réglementation de tout et n'importe quoi par nos élus de la République Qui Gagne, voici leur dernière trouvaille, qui serait probablement passée totalement inaperçue si le festival des Inattendus à Lyon, n'avait tiré la sonnette d'alarme et publié cet appel.
A l'origine de la consternation, le rapport Berthod, et une série de propositions qui entendent réglementer la diffusion des oeuvres audiovisuelles.
Bien entendu, comme le projet de loi DADVSI, tout ceci est dicté par les majors et autres fédérations de multiplex à pop-corn.

Le résultat, si jamais un projet de loi venait à éclore de ce rapport qui n'a à aucun moment consulté toutes les structures de diffusion alternatives : la plongée dans l'illégalité de la grande majorité des festivals de cinéma/vidéo indépendants.
Entre autres joyeusetés administratives, Berthod préconise en effet l'attribution d'autorisations dérogatoires pour les diffuseurs indépendants délivrées par une autorité nationale (le CNC ?), ou encore l'obligation d'inscription de toute oeuvre audiovisuelle au registre public du cinéma.

Faire un film chez soi, le faire diffuser dans un micro-festival, comme c'est le cas de la majorité des productions utiles aujourd'hui, sera donc hors-la-loi.

Cette info me touche plus particulièrement car je me replonge dans le passé et imagine l'horreur qu'aurait été l'organisation de feu le festival "Résistance Vidéo" si un tel cadre légal avait bridé à ce point à la fois la production des vidéos et leur diffusion...

A terme, si ces conclusions scandaleuses sont écoutées et mises en pratique, il ne fait aucun doute que cela signe l'arrêt de mort de plusieurs festivals et lieux de diffusion indépendants. De plus, le contrôle permanent par une autorité nationale de ce qui est diffusé et par qui n'est rien moins, de mon point de vue, que la première étape vers une censure par défaut des festivals et/ou des productions dérangeantes.
Avec un tel outil de réglementation, dont le pouvoir ira jusqu'à provoquer l'interdiction de diffusion par refus de dérogation, qu'est-ce qui empêchera en effet une administration de tuer tout un pan de la création sur des critères tout à fait arbitraires (moraux, politiques, etc.) sans avoir à s'embarasser de les juger contraires à la loi ?

N'hésitez pas à diffuser largement l'appel du festival Les Inattendus et à signer la pétition qui va avec.

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07 février 2006

Polémique

Sinistre cadeau pour Grégoire à l'approche de son dixième jour de détention...
Au lieu de se mobiliser et de continuer le combat, la presse préfère se perdre dans des bavardages sans rapport avec la lutte à mener.



Grégoire disparait peu à peu des Unes... mais nous ne l'oublions pas !
Le Comité de soutien à Grégoire Courtois

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06 février 2006

De l'absence de commentaire

C'est bizarre...
Mon précédent post sur ce blog parlait justement de l'absence de commentaire qui accompagne une oeuvre et de la manière dont l'interprétation pouvait totalement échapper au créateur.
Et bien il vient de m'arriver exactement la même chose qu'à Sylvie Jaubert avec la performance "Grégoire Courtois, otage".
Sur le forum de Hoaxbuster (site d'utilité publique que je conseille par ailleurs à tout le monde), quelques internautes ont trouvé utile de se demander si ma page était celle d'un vrai otage ou bien un canular éhonté.
Les bras m'en tombent...
A aucun moment je ne m'étais imaginé qu'on pouvait prendre ce projet comme une tentative de tromperie, et encore moins comme un fait réel.
Tout commence avec le zapping du site du Nouvel Obs qui relaie l'info à l'aide d'une capture d'écran de mon site. C'est un zapping, donc sans commentaire. Et après tout, pourquoi un commentaire sur un truc aussi gros et aussi ouvertement faux ?
Seulement quelques personnes prennent ça pour argent comptant et s'insurgent.
Pour le mauvais goût, admettons. Je veux bien reconnaître que c'est un humour cynique, noir et qui ne plaît pas à tout le monde (à commencer par ma mère). Mais de là à attaquer le projet, sans même avoir pris la peine de voir les vidéos, et décréter que "C'est même plus que lamentable de se faire de la pub comme cela...!!!", je dois dire que je suis vraiment consterné.
Avant que tout ceci ne prenne des proportions hors de contrôle, j'ai donc préféré répondre en direct sur le forum.
C'est peut-être une connerie.
D'autant qu'hier, je prétendais qu'il valait mieux laisser l'oeuvre parler d'elle-même, mais je crois que dans ce cas précis, l'oeuvre est castrée et muette puisque de toute manière, personne ne juge utile de la regarder en entier.
Pour finir, et comme je le signale aussi sur ce même forum, ma seule satisfaction dans cette histoire est que l'interprétation de l'image est aussi l'un des propos de cette performance. Je comptais faire part de mes intentions et de ma démarche seulement à la fin de toute cette histoire, mais qui sait, peut-être que si ce type de réactions complètement à côté de la plaque se multiplie, je serai amené à le faire plus tôt.
Dommage...

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05 février 2006

Des amateurs d'art

Soldat de dos - Sylvie JaubertEtonnante, cette scène que j'ai vécue hier.
Au Théâtre, on accueille l'exposition de la peintre Sylvie Jaubert, intitulée "Peintures de guerre".
C'est un assemblage de toiles et dessins sélectionnés parmi cinq séries de la collection de l'artiste : "les figures masquées", "les poses", "les petits morts", les collages et "les soldats de dos" (illustration).
Je m'occupe hier d'ouvrir l'exposition dans le cadre d'une opération artistique qui réunit plusieurs lieux d'expo à Auxerre.
C'est l'occasion de faire découvrir le travail de Sylvie Jaubert à un public qui sans ça ne serait pas forcément venu au Théâtre.
Bref, en milieu d'après-midi, je vois arriver trois ados, genre 16/17 ans, habillés en treillis des pieds à la tête.
Première réaction : ils ont dû se tromper d'endroit, ou alors ils cherchent les toilettes pour une envie pressante, quelque chose comme ça...
Sauf que pas du tout.
Les jeunes commencent à visiter l'expo avec attention.
Je rôde autour, pour écouter ce qu'ils racontent, tout en me mettant mentalement un blâme pour avoir une fois de plus pensé que l'Humanité était vraiment trop prévisible et que des jeunes comme eux ne pouvaient évidement pas apprécier l'art, encore moins contemporain...

Elephant - Gus Van Sant"Oué, regarde le barillet. S'il est dans ce sens-là, c'est que c'est le deuxième modèle."
"Wooh ! Un M4A1 ! C'est de la fabrication américaine, ça..."
"Sa veste est trop classe. C'est quelle armée, à ton avis ?"


Et leur conversation continue sur le même registre tout au long de l'expo, toile après toile, dessin après dessin, ravis qu'ils sont devant toutes ces armes, ces trépieds et ces uniformes militaires.
En fait d'amateurs d'art, je m'aperçois donc que j'ai affaire à des amateurs de guerre. Jeunes néo-nazis, dingues de la gachette, Elephant-style, que sais-je, mais qui en tout cas comprennent l'exposition comme exactement le contraire de ce qu'elle est.
Après leur petit tour enthousiaste, ils viennent me voir et me demandent :
- Y'a que ça comme peintures de guerre, monsieur ?
- Heuuu... oui.

Leni Rifenstahl à Nuremberg en 1934Si à ce moment-là, on n'est pas en pleine crise de l'art, je sais pas où on est.
Une représentation donnée à voir, un second degré sous-entendu, et l'expo peut devenir, sans que l'artiste ne l'ait décidé à aucun moment, un objet de fascination du sujet-même qu'il est censé dénoncer. Et tout ça uniquement parce que l'artiste a cru au pouvoir de réflexion du visiteur et ne l'a pas pris pour un con en lui expliquant par A + B sa démarche...

On avait discuté de ça avec Sylvie Jaubert qui m'expliquait qu'au moment de la présentation de ces "soldats de dos", on l'avait taxée de peintre militariste. Elle et moi ne pouvions que balayer d'un revers de la main ce type d'accusations. Mais peut-être n'aurions-nous pas dû. Parce que de toute évidence, ces jeunes venaient voir cette expo comme ils auraient pu manger leur pizza devant "Tag der Freiheit - Unsere Wehrmacht" de Leni Riefenstahl.
Pour eux, le travail de propagande d'une associée au régime nazi et celui d'une artiste contemporaine apportant un regard décalé sur un sujet, sur une manière de représenter la guerre, ne faisait strictement aucune différence.
A aucun moment l'un d'eux ne s'est posé la question de savoir pourquoi les soldats étaient de dos, ou les visages masqués dans la série du même nom, pourquoi ce qui était à l'origine des photos de presse, ou des images télévisées devenaient ici de la peinture. A aucun moment le "pourquoi ?" ne se faisait plus pressant que le "quoi ?".
On a perdu un "pour" en route... Pour dire, pour dénoncer, pour en parler au lieu de se taire, tous ces pour qui nous font faire ce qu'on fait, évacués d'emblée parce que nulle part dans leur quotidien on ne leur demande de se poser la question, mais toujours de prendre comme argent comptant images et bavardages du flot médiatico-publicitaire.

Alors en ce qui me concerne, à ce moment précis, que faire ?
Leur donner un cours de réflexion artistique un samedi après-midi alors que tout ce qui les intéresse à ce moment est de savoir s'il s'agit d'un AK47 de fabrication russe ou bien israëlienne ?
J'ai fait mon choix et je ne me suis pas embarqué dans ce débat, préférant avoir foi, comme souvent, comme l'artiste que je présentais, en la réflexion humaine et la puissance de suggestion de l'art, espérant secrètement que l'un d'eux, peut-être pas tous, peut-être pas longtemps, après l'étude des armes et des uniformes, aurait au fond de lui le recul nécessaire pour aller plus loin que la simple représentation.
Je n'en suis toujours pas certain aujourd'hui, mais je crois que si j'étais intervenu à ce moment, mon didactisme aurait eu l'effet totalement inverse que ce que je voulais faire comprendre.
En revanche, les images qu'ils avaient vu ce jour-là allaient les suivre, le cadrage les questionner, à un moment ou un autre, et leur propre reflexion arrivant à ses propres conclusions sur l'oeuvre de Sylvie Jaubert aurait beaucoup plus de force que tout ce que j'aurais pu leur raconter/expliquer ce samedi après-midi.
Ainsi je crois fermement que c'est petit à petit, exposition après exposition, vidéo après vidéo, texte après texte, proposition après proposition, qu'une tendance peut s'inverser, et qu'on finira par tout changer, et finalement à convaincre tous ces jeunes que la meilleure solution pour exister ici n'est pas de prendre un Famas un lundi matin et de flinguer un par un tous leurs copains d'école avant de se brûler leur propre cervelle.
Jim Morrison disait "They've got the guns, but we've got the numbers".
Aujourd'hui, je crois que c'est le contraire.
Parce qu'ils sont nombreux, ceux qui sapent ce monde et ce qu'on pourrait en faire. Mais nous avons les armes.
Il faut juste ne pas cesser de les utiliser.

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04 février 2006

Ne l'oubliez pas !


Le monde bouge, mais ça n'est pas suffisant.
Libérez Grégoire Courtois !

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