Fog

C'était aussi mon état d'esprit général, un état d'aveuglement opaque.
Mon emploi du temps est un champ de mines, ma liste des tâches une rafale discontinue d'arme lourde qui gueule dans la nuit, et au milieu de ce champ de bataille, je ne trouve pas grand chose d'autre à faire que me planquer derrière un caillou criblé d'impacts ou courir au hasard sous le vol des balles perdues.
C'est ça que j'appelle l'aveuglement opaque, quand la situation générale vous interdit toute projection vers l'horizon, ne laissant entre vos mains que l'urgence de l'ici et du maintenant.
Ca n'est pas la première fois que ma position professionnelle est tendue, et que l'efficacité est impérative en un temps trop court. La différence, c'est qu'autrefois, j'avais toujours ce but parallèle, au travers de mes projets personnels, qui me permettaient de mettre en joue le futur, de me concentrer sur la respiration du sniper, avec la certitude qu'en temps voulu, je presserai la détente et donnerai son terme à une ph(r)ase.

L'impératif pour moi, c'est donc d'arrêter les gribouillages, de savoir exactement quelle idée je suis en train de dessiner dans le miroir de mes actes multiples, parce que peindre la brume n'a d'importance que si la brume, ou la fumée, ou les émanations de chaleur, sont le sujet, comme dans "L'incendie de la Chambre des Lords" de Turner. Il est possible que le résultat de ces traits errants sans but sur un chassis sans limite consiste en un même brouillard, ou une même fumée, sans aucune différence plastique, déclenchant enthousiasmes et félicitations, mais ce ne seront alors que des éloges au hasard, et aucune satisfaction ne pourra alors me faire dire que j'ai une utilité, ou un talent, ou une quelconque maîtrise de ma voix.
Il me faut maintenant me concentrer, et éviter à tout prix d'être félicité pour une brume alors que je croyais dessiner une ville.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
<< Accueil