Visions d'une plage



Nous allons à la plage et la plage, en aucun cas, ne vient à nous. Le cynisme est sur une plage donc impossible. Voir la plage, c'est en faire partie, avec un choix, qui nous, observateur, y a mené. Il y a une frontière qui sépare la masse accumulée des corps et le monde vêtu du trottoir.




Observer la plage du trottoir, c'est avoir un aperçu abstrait de la plage qui résiste à toute analyse. Voir vraiment la plage, c'est l'expérimenter et paradoxalement, cette expérience interdit le jugement




et ne tolère que la vision épurée des images qu'elle génère.




C'est un temple de silence. Une fuite sonore. Des globes d'intimité les uns aux autres collés. On imagine l'endroit bruyant et bavard mais les ondes produites ici dépassent rarement




la barrière des cercles territoriaux, comme si nos esprits effaçaient toute production




parasite. Un cri d'enfant. Un rire claquant. Un commentaire parcellaire adressé au vent. Ponctuations eparses




et furtives qui sont autant d'impacts petits sur la toile d'un bruit persistant, si puissant qu'il devient le silence.
Déchirement des vagues contre le rivage.
Brise permanente qui se glisse dans les gouffres de nos oreilles.
Murmure uniforme de tous les autres.
Ces bruits existent peut-être mais disparaissent quand nous appartenons à la plage, et ne subsistent que les sons émis dans notre sphère,
igloo de serviettes colorées.
Et si personne n'y parle, on se retrouve au milieu de centaines de plagistes vaquant à leur vacance,
et pourtant comme face à un film muet ralenti,
face au calme anormal,
à l'oisiveté faite décor,
les actes et mouvements se déployant loin de nous,
qui ne captons que leur lumière fatiguée,
sans le moindre indice sonore qui pourrait faire de la peinture un film.
A quelques mètres à peine souvent,
et à la fois constellations lointaines et muettes,
posées là avant nous
et toujours là quand nous disparaitrons,
obéissant à d'autres frises temporelles que celle qui nous voit naître,
venir à la plage,
et mourir un peu plus loin,
peu de temps plus tard.






Texte et photos : Grégoire Courtois
Août 2008
contact : troudair@gmail.com

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