Troudair Revolutions

Fil d'info en continu sur les conséquences de la fin du monde qui a eu lieu le 15 décembre 1999.

23 mai 2006

Sectarisme 2.0

J'essaie autant que possible de mettre à l'essai toutes les nouvelles merveilles proposées par le web 2.0.
Ca va de Gmail à Google Calendar, en passant par del.icio.us, Flickr ou encore MyTube.

Dans cette grande et belle exploration du nouveau monde, je me sers assiduement et depuis un moment de Last.fm pour la musique.
Bref récapitulatif des fonctions de cet incroyable engin :
Vous vous enregistrez et téléchargez deux fichiers. Le premier est le lecteur de Last.fm, celui qui vous permettra d'écouter la musique présente sur leurs serveurs. Le second est un plugin qui ira se loger dans votre lecteur multimédia préféré (winamp, windows media player, etc.).

Pour résumer, plus vous écoutez de morceaux, plus votre base en ligne s'enrichit, et en fonction de vos goûts, le moteur de Last.fm vous propose d'écouter d'autres choses qui pourraient vous plaire.
C'est grâce au petit plugin préalablement installé que cette prouesse est possible, car lorsque vous écoutez un mp3 chez vous, winamp (par exemple) envoie à Last.fm les infos du morceau et aggrémente votre base de données personnelle, et ce, même si vous n'utilisez pas le player Last.fm.
Voilà donc ce que les concepteurs du site appellent la "social music revolution". En bref, une radio de millions de titres conçue spécialement pour vous en fonction de votre profil et qui s'affinera jour après jour, au fur et à mesure que vos playlist parviendront au site.
Comme rien ne vaut un bon exemple, vous pouvez voir en cliquant ici le registre et les statistiques de tout ce que j'écoute.

C'est mon profil.
Et en fonction de ce profil, Last.fm me propose des tas de choses à écouter.
Bon, ça n'est pas une nouvelle que le néo-capitalisme a depuis longtemps compris que pour envoyer un message efficace, il fallait que celui-ci soit adapté à la cible. Il est donc évident qu'affiner le profil de troudair de manière très précise permet de faire bouffer à troudair de la publicité qui n'en aura pas l'air, puisqu'en accord avec ses goûts. Au lieu d'être assimilées à du harcelement, les pochettes de disques proposées ressembleront donc à des "conseils".
On touche là au fondement-même du web 2.0 et à ses fonctions orientées vers la personnalisation. Sous des airs de service rendu au consommateur (ne vous imaginez pas être autre chose que ça pour les gens qui conçoivent ces sites), on crée des bases de données très précises permettant de 1- vous donnez des conseils d'achat pertinents et 2- vous épargner la perte de temps de messages publicitaires non-ciblés.

Bien entendu, vous l'avez compris, le problème avec la musique (et pas seulement), c'est que nos goûts à tous sont pour le moins variables. Le deuxième point évoqué ci-dessus, et qui en apparence est censé vous simplifier la vie, n'a d'autre but que de vous détourner des musiques "que vous n'aimez pas". Vous auriez pu les aimer si vous les aviez entendues ? Vous les aimez mais n'avez pas le loisir de les écouter souvent ? Last.fm s'en fout et vous les cache purement et simplement, reléguant dans les profondeurs de ses listes de propositions les choses dont il s'imaginent qu'elles ne vous plairont pas.

Il faut rappeler que le pire consommateur pour un spécialiste du marketing est un consommateur éclectique. Comment être certain en effet qu'un produit plaira à un type qui aime à la fois Mozart, Afex Twin, Lorie et Sunn o))) ? Et si on est pas certain, comment le dire aux annonceurs qui nous paient justement pour avoir une publicité efficace ?

Ainsi donc, loi de la statistique oblige, plus vous utilisez Last.fm et plus les choses que vous auriez pu découvrir vous sont cachées, tout en vous enfermant dans une case invariable qui s'auto-alimente jour après jour. Comme vous le voyez dans mon profil, je suis dans la case "Troudair", et cette case ne pourra bouger qu'à condition que je fasse moi-même l'effort d'en sortir, en cherchant par d'autres moyens que Last.fm des titres qui ne correspondent pas du tout aux musiques que j'ai l'habitude d'écouter. Sortir des sentiers battus, découvrir d'autres sensibilités, faire preuve de tolérance vis à vis des choses qu'on avait déjà jugées, réviser son jugement, ... Toutes ces actions, déjà difficiles à entreprendre, deviennent donc de moins en moins réalisables plus l'utilisateur d'internet se met à utiliser le web 2.0, et à "personnaliser son profil", sous prétexte de ne plus être l'esclave des "grands médias". Il devient ainsi l'esclave de lui-même et de son sectarisme naturel, sans oublier que dans le même mouvement, tous ces sites prônant l'individualisme personnalisé et la révolution sociale, n'auront qu'à appuyer sur un bouton pour décrocher des contrats monstrueux avec par exemple une maison de disques souhaitant placer ses nouveaux poulains sur le marché avec une efficacité optimale.
Bienvenue dans le Sectarisme 2.0 !

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15 commentaires:

À 23 mai, 2006 11:03 , Anonymous eric a dit...

Par exemple, le blog de David F c'est du vieux web 1.1 et pourtant y'a moyen de découvrir hachement plus (et hachement plus loin) que par Last.machin.

En vrai je garde disquaire-sexy qui s'emporte et bégaie légèrement quand il parle de musique.

Le Push c'est un peu la mort du Pull, et le consommateur éclectique qui fait un minimum d'effort de Recherche est une espèce archi-minoritaire.

 
À 23 mai, 2006 11:44 , Blogger Troudair a dit...

Vouep, mais tout ça nous ramène quand même méchament à une certain débat de la Culture (horizontale ou verticale ?). Pour last.fm, même si ce post est une charge contre eux, je ne peux que m'aperçevoir de l'efficacité du processus. Car le génie de ces systèmes, c'est d'inclure dans leurs bases TOUT ce qu'écoute un utilisateur. Ca veut donc dire que la place des majors est somme toute très limitée (pour l'instant). Mais ce que je pointe du doigt, c'est le fait que si on est un libertaire avide de sons tordus et de musique savante, le système s'arrangera pour qu'on RESTE un "libertaire avide de sons tordus et de musique savante" sans nous laisser la "chance" de devenir un jour un mouton écervelé qui écoute du Céline Dion en boucle.
Même si on savait que l'underground et l'avant-garde étaient des données non-négligeables de l'économie capitaliste, je pense que last.fm est un excellent objet d'étude pour nous aider à préciser cette pensée et trouver (peut-être) les moyens de s'élever contre.

 
À 24 mai, 2006 15:17 , Blogger saihtaM a dit...

hein ? (je reviendrai quand mon cerveau aura compris)
"Mais ce que je pointe du doigt, c'est le fait que si on est un libertaire avide de sons tordus et de musique savante, le système s'arrangera pour qu'on RESTE un "libertaire avide de sons tordus et de musique savante" sans nous laisser la "chance" de devenir un jour un mouton écervelé qui écoute du Céline Dion en boucle." c'est l'idée bêtise = insouciance = bonheur ?
en tout cas sur le web ya beaucoup de bonne musique qu'on trouve pas, faut pas exagerer... par exemple là je cherche les albums de quickspace supersport, et ben mon pote tête-chercheuse n'en a trouvé qu'un (sur c++) et pas le meilleur de loin. et la liste est longue de ce qu'on ne peut pas trouver, mais je ne voudrais point faire le magister...

 
À 24 mai, 2006 15:23 , Blogger saihtaM a dit...

sinon ya beaucoup moins de gens qu'avant qu'écoutent des trucs "différents". de mon point de vue le rouleau compresseur des majors/télé/radio a hélas très bien fonctionné. va comparer les années 90 avec les années 2000 : il y a un gouffre, des genres musicaux entiers ont disparu, tout comme les groupes et les salles de concert. hé va donc trouver une radio rock, ou simplement une radio où l'on peut écouter de la musique "différente" à paris. il n'y a plus que quelques émissions isolées. le formatage bat son plein, et les gens téléchargent tous la même chose, et se croient "différents" s'ils écoutent radiohead ! bonsoir.

 
À 24 mai, 2006 15:38 , Blogger Troudair a dit...

pour céline dion,
je parle de castes et de rayonnages à la fnac.
je parle du fait que rejeter en bloc une chanson de céline dion est aussi stupide que de rejeter en bloc David S. Ware parce que c'est du free jazz . j'ai assisté récement à ce genre de rejet épidermique à Auxerre, une salle devenue subitement irrespectueuse de ce qui se passait sur scène sous prétexte que cela n'intégrait pas ses codes de compréhension de la musique. dans le même registre, on peut citer les récents vainqueurs de l'Eurovision 2006 et les commentaires hallucinants d'intolérance proférés par les commentateurs français qui se permettaient même de parler pendant le morceau, chose qu'ils ne se seraient jamais permise dans le cas d'une petite chanteuse blonde aux gros nibards et à la voix formatée.
en parlant de genres musicaux, je parle d'une manière plus générale de tolérance et de sectarisme.
l'underground, la rebellion, les avant-gardes plus ou moins heureuses sont aujourd'hui traitées de la même manière que n'importe quel rayon de la fnac. disons, le rayon "jeune alter-mondialiste".
ce que je veux dire, c'est que dans ce gigantesque magazin mondial de la musique, dans lequel chaque rayonnage porte le nom d'un utilisateur, le radicalisme (que tu connais bien) est une valeur marchande comme une autre, aussi intolérante que les autres, et répondant parfaitement aux règles de l'économie néo-libérale comme n'importe quelle autre, voire même mieux que les autres tellement elle s'avère virulente contre la musique dite "de majors".
je parle de l'enfermement hérmétique de chacun dans son mode de pensée obtus qui ne peut aboutir, si en plus il est accompagné par les outils techniques adequats, qu'à la destruction pure et simple des idéaux de solidarité et de fraternité que je défends.
voilà.

 
À 24 mai, 2006 17:36 , Blogger Monsieur Ko a dit...

Et paf !

(oui je sais... mais bon.)

 
À 25 mai, 2006 00:33 , Blogger saihtaM a dit...

tu soulèves plusieurs sujets différents (sans me répondre, d'ailleurs) avec lesquels je ne suis rarement d'accord. à vrai dire il me semble que tu ne prends pas la mesure de la lobotomisation générale, ta pensée me semble pour le moins "gentille". je reviendrai plus tard, là je dois partir !

 
À 25 mai, 2006 00:35 , Blogger saihtaM a dit...

développe ton point de vue thomas...

 
À 25 mai, 2006 01:41 , Blogger -- Zan a dit...

Mathias, tu crois pas que c'est un peu de la vieille nostalgie ton truc ? Le "c'était mieux dans les années 90, des genres musicaux ont disparu" etc... J'ai l'impression d'avoir toujours entendu ça, de tout le monde à toutes les époques... Qu'est-ce qu'il y avait comme radio si bien dans les 90's ? Ouï-FM ? En tout cas on regrettait à l'époque le temps joyeux des radios "libres"...
Internet en matière de musique nous offre plutôt plus de choix, je trouve, et comme pour l'info, c'est la question du tri.. par exemle les sites de PtP marchent par requête et nous poussent à ne télécharger que ce qu'on connait déjà... mais est-ce qu'on faisait pas déjà pareil avant chez nos disquaires ???
Je connais pas bien last.fm mais avec Myspace par exemple (que je connais pas bien non plus et dont je me méfie un peu), il m'est arrivé de sauter d'artiste en artiste-qui-lui-est-associé et de découvrir des choses inattendues...

 
À 25 mai, 2006 02:12 , Anonymous Klu a dit...

J'aime cette perversion qui consiste à aller chercher avec scepticisme et ferveur suspecte les petits travers, les mécanismes discrets de pouvoir, qui s'instaurent dans les choses en apparence bien anodines.
Ce n'est pas je crois, le nivellement commercial de la culture qu'il s'agit de pointer ici, ce qui reviendrait à enfoncer une porte ouverte avec une tarte à la crème au poing.
Ni même de se laisser aller au satisfecit généralisé sur les incroyables ouverture de cortex que le ouébe a pu générer en termes de possibilités de découvertes.
Encore moins de faire l'apologie d'un droit à bêtise insouciante qui nous serait retiré par un plugin.
C'est simplement pointer du doigt une tentative de nous, définir, circonscrire, classifier, flatter, pour nous suggérer, orienter. Le tout sans rien annoncer de tel, mais se farder derrière l’apparence d’un choix libre laissé à l’acteur du jeu, toi. Pour au final contribuer à éroder ce droit essentiel de l’homme, celui de pouvoir marcher de guingois, d’être imprévisible, de prendre à rebours ses instincts, sa culture, de mettre à l’épreuve son goût qu’il croit façonné. Bref d’aller écouter Céline Dion, fraternellement et solidairement. Amen.

 
À 25 mai, 2006 11:27 , Blogger Troudair a dit...

Bon, même si Klu a bien résumé ce que je disais, je reviens juste sur l'idée de Mathias, qui n'était pas mon propos mais bon, et selon laquelle le monde est de plus en plus formaté, avec un spectre musical qui se réduit.
Bien entendu, je crois que c'est faux.
Je donne juste un exemple simple tiré de mon histoire personnelle.
A quel moment dans ma vie je découvre le Velvet Underground ?
En arrivant à la fac à Lyon.
Ca pourra paraître bizarre aux parisiens qui baignent depuis tout petit dans une certaine culture alternative (formatée ?), mais pour beaucoup de jeunes qui ont grandi dans nos belles campagnes, il n'y eut que très peu d'occasions de rencontrer des tendances musicales "différentes". C'était sûrement pas la télé (Michel Drucker et Champs Elysées) qui allait nous parler de Joy Division..
Le cablage ADSL d'une grande partie de la France a permis l'accès à des choses différentes sans avoir à aller se faire initier par les savants underground des grandes villes, qui du coup ont effectivement perdu leur statut de détenteur de la vraie connaissance, ce qui les emmerde profondément. C'est pour cette raison qu'on les entend aujourd'hui dire "bon dieu, c'était mieux avant quand il fallait habiter à Paris pour être vraiment au fait de la rebellion". L'organisation de la France avec un ou plusieurs centres de création et de reflexion a volé en éclats, et franchement, je trouve ça plutôt bien (voir plus bas mon article sur le parisianisme à propos de la cérémonie des Molières 2006).
Aujourd'hui, un gosse qui habite un village de 500 habitants et qui n'en sort jamais a quand même la possibilité d'écouter toute la musique du monde, a un accès à bon nombre de textes théoriques alternatifs, et peut voir des films d'art et d'essai même si le ciné d'à côté ne diffuse que des blockbusters.
Je ne crois pas que le monde soit formaté. Je crois toujours au web comme outil d'ouverture et d'enrichissement. Il faut simplement ne faire de chèque en blanc aux prophètes de la nouvelle économie que sont Google et Microsoft et continuer d'expliquer quand c'est nécessaire que la technique doit nous permettre plus de solidarité et de fraternité (amen), et non pas plus d'illusion de liberté individuelle.
C'était mieux avant ?
Bon dieu, non ! La révolution est vraiment en marche et ceux qui baissent les bras me rendent dingue parce que nous avons plus que jamais les moyens théoriques et techniques de contrer toutes les petites frappes dirigeantes actuelles. Il suffit juste de ne pas se tromper de combat et de continuer à se rassembler au lieu de se laisser embarquer par des outils techniques exactement conçu pour la séparation à tous les niveaux de la vie.

 
À 25 mai, 2006 13:55 , Blogger Monsieur Ko a dit...

Reveil incroyablement difficile, je vais pour developper ma pensée, j'allume l'ordi, commence la mise à jour d'Ubuntu et je m'aperçois que ma pensée a déjà été developée. Rien à voir sans doute avec le sujet mais hier un jeune homme plutôt gentil m'a expliqué que j'étais vraiment un blaireau de regarder encore la télé, que c'était vraiment pour les beaufs et que lui grace à un internet il ne prenait des informations que ce qu'il en voulait? Mon argument était de dire, il vaut mieux rester vigilant sur ce qu'il se dit (et fait) sur TF1 et M6 (par exemple) car leurs audiences restent quand même tellement plus importantes que celle d'internet en France (sans parler du plaisir de se regarder une bonne Nouvelle Star entres amis). Il me disait en boucle : "je suis un consommateur (éclairé), membre d'une élite (les skaters parisiens), je ne vais pas m'imposer cette merde que regardent mes voisins (que je ne vais pas m'imposer non plus), je suis bien trop cool (il n'utilisait pas ce mot) et malin pour perdre mon temps". Moi je lui réponds "élitisme" voire "élitisme MTV" il me dit (en vrai) "moi j'ai l'adsl depuis 94 (!!) alors tu vois quand je vois ce qu'il y'a sur le net la tévé ça n'existe plus" et je réponds "élitisme" et "mépris" il me dit "je suis un consommateur" alors après je reprends plein de whiskhy coca, croque quelques psylos à gout de terre (sans effets jusqu'ici à part ce commentaire) et commence à déblatérer sur MTV chaine si cool et underground (il hoche la tete) à ses débuts (il est d'accord) - mise en parallèle facile avec Canal+ (et l'époque des nuls) et (donc MTV, suivez au fond) devenu une espece de grand satan de la cool attitude, destructrice des mondes, des adolescents pas beaux, pas hip hop skate blink 747, et pour moi bien plus dangereuse qu'une bonne tranche de koh lanta ou de loft (troudair pourrait vous parler de ses périodes loft à propos) puis il m'a trainé à la taverne de maitre kanter (c'est ouvert toute la nuit) puis re-boisson puis steak puis plus de trucs fascinants à raconter donc dodo. Tout ça pour dire quoi : c'est bien de faire du tri, mais la manipulation mentale passe par les plus grands medias (et les grandes masses) donc plutot que de les bouder élitistement soyez-y attentifs. Vous verrez ça fait peur souvent mais c'est plus courageux de regarder l'abime plutot que de dire "si je ferme les yeux l'abime n'existe pas pour moi" parce que la c'est plus une élite que vous etes mais de simples autruches bien connes.

 
À 25 mai, 2006 21:24 , Anonymous eric a dit...

C'est marrant, c'est (trop) rare de lire quelqu'un qui parle de Fraternité sur internet...

Ca me fait penser qu'il faudrait que je fasse gaffe à ne pas trop souvent me servir de mes goûts (musicaux) comme d'une armure...

 
À 01 juin, 2006 05:08 , Blogger saihtaM a dit...

hé bé, et moé j'étais parti en vacances pendant ce temps-là... j'analyse et réponds bientôt (si c'est pas trop fastidieux !), juste j'ai l'impression qu'il y a bcp de sujets différents, et que le système des commentaires se prête mal à la discussion. on est tellement différents que c'est pas évidents de trouver les mots communs. :)

 
À 05 juin, 2006 08:05 , Blogger saihtaM a dit...

Bon je m’y colle mais je ferai pas ça tous les jours… (Soupirs de soulagement dans l’assistance !)

Troudair,
Ce n’est pas nouveau que de soi-disant rébellions soient en fait de nouveaux conformismes, Pasolini s’en plaignait déjà avec précision, écrivant que le point commun à « une dame fasciste, un extraparlementaire, un intellectuel de gauche, un garçon de passe », c’est un « désir anxieux, terrible et invincible de se conformer ». Cela ne signifie par pour autant que toutes les rébellions se valent, et qu’il n’est pas de révolte possible. Cela ne signifie pas pour autant que le conformisme soit de la rébellion ! Cela ne signifie pas pour autant que le conformisme soit moins conformiste ! Cela ne signifie pas pour autant que Lorie soit moins la musique du pouvoir, le produit que la domination a choisi pour une certaine catégorie de la population, et que cette même catégorie accepte fanatiquement sans se rendre compte qu’elle est manipulée, à une échelle de bourrage de crâne impressionnante. (Je pense par exemple à une collègue de bureau qui disait qu’en musique elle ne connaissait que Lorie et la Star’Ac, que ça lui suffisait, et elle passait –et passe toujours…- ses journées sur le site de TF1 : elle était loin d’être un cas isolé, au contraire, c’était la majorité autour de moi). Bien sûr, d’un point de vue purement esthétique, on peut aimer ou ne pas aimer comme n’importe quelle autre musique, mais il est difficile de faire abstraction du fait que cette musique nous est IMPOSEE. Fais du gym-tonic sur TF1 si tu veux, mais laisse-moi le droit d’en dire le plus grand mal. Qui est sectaire là-dedans ? Celui qui ne veut pas subir ? Le type hérissé par tant de niaiseries qu’il subit stoïquement en tout lieu ? Parce que si tu cherches du costaud dans le sectaire va donc –si ce n’est déjà fait- assister à un concert de Lorie, tu verras, à part quelques bobo-masos lassés de tout qui trouvent que Lorie est plus satanic-black-metal que Burzum, tu trouveras surtout des troupeaux de gamines qui paient cher leurs places, qui ne connaissent et ne veulent rien connaître d’autre ! Est-ce que tout se vaut ? Vaste sujet sur lequel notre ère nihiliste nous offrira encore de nombreuses occasions de disserter à loisir. Je ne pense pas que tout se vaille. Ou alors tout se « veau » ! :) Quant à la Fnac (je chie dessus en passant) : 1. Ses rayons sont loin d’être aussi bien fournis que tu le dis, il faut souvent commander si l’on cherche un truc précis ; 2. Quand bien même les rayons de la Fnac contiendraient tout, est-ce que cela enlèverait la pertinence aux œuvres contestataires que je pourrais m’y procurer ? Est-ce que Sade est moins radical si je l’achète à la Fnac ? Pas sûr (en ce cas, c’est surtout moi qui l’achetant à la Fnac qui craint du boudin). Pour grossir le trait, le capitalisme vendrait même le manuel pour le détruire, du moins tant que les gens le liront comme un traité de cuisine.
On commence par évoquer Debord, pour finir par utiliser son intelligence à expliquer que les fans de Lorie ont droit au respect, ou que les commentateurs qui parlent pendant une chanson de l’Eurovision sont des brutes. Quel naufrage… C’est un peu comme se plaindre que les soldats qui te fusillent n’ont pas un assez beau costume. Ou que le lubrifiant n’est pas assez efficace. Tuez-moi, oui, mais je veux de la qualité.


Troudair et Zan,
Y a un point sur lequel je suis tout à fait d’accord avec vous, c’est l’apport positif d’Internet. Viva Internet… Tant mieux si ça permet de désenclaver et décentraliser, même si ton opposition insistante Paris-Province pour la découverte de la musique me semble exagérée. J’ai passé mon enfance à Paris (19e), puis mon adolescence en banlieue de Tours (la zone…). Hé bien en étant un peu curieux, et puis on se fait tellement chier, on découvre très vite des choses, en allant voir des concerts, des tremplins, en écoutant la musique chez des potes (y en a eu quelques uns qui ont été des « passeurs), en écoutant la radio (à Tours y avait une radio appelée Radio Béton, sur laquelle je pouvais entendre du rap, du ragga, du punk, du rock alternatif (beaucoup), puis de la noisy-pop, du post-rock, du hardcore, du noise, de l’électro, du goth, du métal, de l’indus, de l’xpé, etc. ; aujourd’hui cette radio existe toujours mais a hélas mis pas mal d’eau dans son vin), voire par des émissions de télé (me souviens de Rapline). Bref si on voulait connaître quelques trucs on pouvait. A Rennes, Nantes, Angers, Orléans, etc. c’était la même chose. Bon faut quand même que je précise quelque chose à ta décharge : j’ai eu une certaine chance, j’ai grandi avec de la musique à la maison (mes parents n’étaient pas fous de musique, simplement ils écoutaient la musique de leur génération), donc des trucs comme Velvet ou Pink Floyd par exemple c’était intégré dès l’enfance. Pour résumer, si il y a une opposition à faire, je dirais qu’elle est à faire entre d’un côté [Paris + les 40 plus grandes villes de France] et [le reste de la France, campagne et petites villes]. Je connais mal Auxerre, mais je la mettrais effectivement plutôt dans la seconde catégorie… Par contre Lyon dans les 90’s avec le Pez Ner & Deity Guns, c’est pas mal…
Au niveau musical, paradoxalement je vis souvent plus de choses originales en Province qu’à Paris (en gros), car il y a plus d’espace, de maisons et d’endroits abandonnés ou isolés, où des évènements différents peuvent avoir lieu, sans que 50 CRS débarquent immédiatement pour tout arrêter (référence à la tentative de concert à la Distillerie de Pantin y a quelques temps).
Zan je n’ai pas dit que « c’était mieux avant » (y a du mieux, y a du pire !) mais on ne peut nier les faits suivants : 1. Le nombre de salles de concerts a fortement diminué ; 2. Le nombre de disquaires indépendants en France a plus que fortement diminué, c’est une espèce en voie d’extinction ; 3. Moins de labels indés (par contre, plus de « home productions » grâce aux home studios, ça c’est très positif), et au niveau des majors carrément la grosse cata, plus frileux tu meurs, moins audacieux et inventifs tu meurs ! J’ajouterai plus subjectivement que je n’ai pas l’impression d’un bouillonnement créatif démesuré…
J’ajouterai l’idée suivante, tout aussi subjectivement (mais ça pourrait s’étayer) -c’est toujours risqué de faire l’archéologie du présent- mais je trouve ces dernières années conservatrices musicalement. Le seul truc qui a vraiment évolué, ce sont les moyens techniques de production. Il y a bien sûr toujours des choses intéressantes, mais on assiste surtout à l’approfondissement et au retour de styles déjà existants. Le postmoderne, peut-être… Pour moi, sans la révolte, la musique est comme castrée. Et je ne vois guère de révolte sinon fausse, superficielle et bien encadrée.
Pour Internet, 2 aspects : ça permet en effet d’entendre beaucoup de choses, moi-même je m’infuse de tonnes de trucs grâce au p2p (couplé avec du surf pour découvrir). Par contre je ne dirai pas que pour l’instant Internet a haussé le niveau musical ou créé une émulation intéressante, mais, sans doute, ça viendra très bientôt… Je suis moins enthousiaste sur l’aspect dématérialisé de tout ça, l’écran c’est pas un idéal de vie quand on aime se contorsionner en se bourrant la gueule. Et niveau émulation, un site Internet ne vaudra jamais un CBGB (salle de concert) avec des groupes –même pourris- et des personnes en chair et en os. L’idéal c’est les 2, pas l’un ou l’autre. Or, l’un des deux, le « réél », est en train de disparaître ! :)
Comme je l’ai écrit ailleurs : « L'accès à toutes les musiques, toutes les pensées, tous les films, toutes les images, agissent comme un supercarburant sur le cerveau, comme ont pu agir en leur temps les protéines de la viande. » Bref nous sommes d’accord sur l’importance de la technologie Internet. Lorsque la désinformation d’état battait son plein dans les médias lors des récentes émeutes dites « du CPE », heureusement qu’il y avait le Web pour s’informer et communiquer.
Pour les radios, je trouve effectivement que la bande FM offre des choix stéréotypés, avec une faible diversité musicale, et une orientation vers l’aseptisé (y compris les radios soi-disant « rock » Ouï FM ou Le Mouv’). A Paris, Radio Libertaire, Radio Campus, Aligre FM, Radio FPP, Radio Néo, ont parfois une émission musicale (dans différents styles) qui sort de l’ordinaire, mais c’est très rare, quelques heures par ci par là, faut tomber dessus… pour une agglomération de 11 millions d’habitants, c’est ridicule.


Monsieur Ko,
Que te dire, si ce n’est qu’étant pour la destruction des émetteurs de télévision (cette technologie de domination de masse par l’audio-visuel à sens unique), j’ai du mal à te suivre.
La télé, on naît avec la tête dedans, alors l’abîme, alors ouvrir les yeux, alors sortir la tête du sable, c’est plutôt de faire un pas de côté.
Pour m’informer je préfère Internet (ou sinon au pire, radio ou journaux). La télévision ne m’informe que de la nullité de la télévision. Selon ton point de vue, il faudrait tous les jours la regarder pour « se confronter à l’abîme ». Arrête, un peu d’honnêteté que diable. Tu le dis toi-même, tu regardes la télé, et plus particulièrement les émissions de télé-réalité que tu cites, parce que tu aimes ça.
Tu opposes MTV à la Télé-Réalité, bigre, y a débat… Quand je lis ton intervention, je me dis que la domination que tu fais mine de (mollement) critiquer, dans le fond te convient très bien. Et quand on se rend compte que son interlocuteur s’accommode très bien de ce qu’il critique, cela crée un malaise, une gêne, un problème de sincérité. Si ce monde te convient, libre à toi, mais alors pourquoi faire semblant de critiquer.
Le problème de la télévision c’est plutôt d’y échapper. Même quand on ne l’a pas (comme moi) on y est régulièrement exposé… C’est le sujet de conversation numéro 1 de nos contemporains (collègues, amis, connaissances...). Sur Internet, à la radio, dans les journaux, on parle de la télé. Dans les magasins, chez ses amis, dans sa famille, on est confronté à la télévision. Alors ne t’inquiète pas, l’abîme toujours renouvelé de la connerie télévisuelle, c’est difficile de le perdre de vue. ;)

Bises à vous 3, et ne vous vexez pas, tenter de penser et d’écrire, y compris à tort et à travers, c’est mon footing… Et vu la tartine que je viens de pondre, réponses non obligatoires… :)

 

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