Les obsèques du canard sauvage
J'ai toujours été fasciné par les mouvements de psychose collective.
Il y a quelques années, j'avais même commencé à écrire une histoire basée sur la légende urbaine du félin, celle qui revient régulièrement dans la presse depuis l'affaire de la Bête du Gévaudan, panthère noire échappée, loup vorace, léopard dans un parc municipal, fauve mystérieux qui sème la panique, etc.
Autant dire que ces temps-ci, je suis gâté avec la grippe aviaire et l'étude de ce cas est d'autant plus passionnante que cette menace sanitaire ne date pas d'aujourd'hui (j'ai lu les premiers rapports il y a près de deux ans) mais que la psychose a éclaté d'un seul coup, sans qu'il y ait pour autant plus de cas déclarés qu'au début de l'alerte.
Aujourd'hui, dans mon journal local préféré, on s'y met aussi, avec une belle Une qui n'aura jamais autant mis les poulets en avant que depuis la grande époque de Bourgoin, notre self-made-man foireux dont seul ce département possède le secret de fabrication.
La grippe aviaire, donc, ça commence à faire peur. Et quand ça fait peur, les médias ont de quoi se mettre de l'info sous la dent parce que tout le monde la voit, la Bête, et à tous les coins de rue.
Un article passionnant et exemplaire aujourd'hui donc, en plus du dossier consacré à la grippe aviaire, et qui s'intitule (ne riez pas) : "Tonnerre : découverte d’un canard sauvage mort".
Au début, je dois dire que j'ai été assez interloqué en me demandant ce que pouvait bien faire une notice nécrologique animale dans un quotidien régional. Et la solution s'est imposée d'elle-même avec cette phrase de l'article "La Fédération des chasseurs, attendu que « l’animal n’avait été en contact avec personne », a conseillé l’enfouissement de l’animal, et en appelle « à ce que la, psychose retombe », concernant la grippe aviaire."
Etonnant.
Evidement, pour les parisiens qui me lisent, le fait qu'on trouve un canard mort peut sembler incongru. Mais si on connait un peu le contexte local, surtout en période de chasse, il faut bien dire que ce fait n'a rien d'extraordinaire et qu'en temps normal (c'est à dire il y a deux mois), le passant qui a découvert la bête se serait bien gardé de le dire, l'aurait balancé discrètement dans son coffre et l'aurait ramené tout content à sa femme pour le manger dimanche midi.
Sauf que là non. Tout sauvage qu'il est, et grâce à la grippe aviaire, le pauvre volatile, peut-être terrassé en vol par une crise cardiaque, ou électrocuté sur une ligne à haute tension, comme ça arrive parfois, aura droit à une sépulture descente. Peut-être même lui installera-t-on une stèle et une flamme éternelle, à la mémoire du canard inconnu, allez savoir. Et sans aucun doute, il en sera de même pour tous les autres canards morts de mort naturelle dans les mois à venir, parce que grâce à cet article qui appelle à ce que "la psychose retombe", il ne fait aucun doute que les cas de danger potentiel ne vont pas manquer de se multiplier, copieusement relayés par la presse locale, et entretenant d'autant plus, justement, la psychose.
Dans un post suivant, et sur le thème "ILS vont nous envahir et ILS sont déjà partout", je vous parlerai aussi de la peur de l'immigré en milieu rural et du rapport entre la psychose de la grippe aviaire et l'ouverture de la Chine au capitalisme.
La Bête rôde...
Libellés : vent
2 commentaires:
A ce sujet ou plutot non voici
le 1er cas de grippe aviaire dans le 77 !
http://emarketing.typepad.com/images/1er-cas-grippe-aviaire.jpg
en effet, c'est pas le même sujet,
car ce canard-là n'est pas sauvage.
c'est au contraire un suppot du grand capital parfaitement domestiqué !
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