
uand Dominique démarra le C15 sans toit, il faisait déjà près de 40°C. PétuniaLove monta à l’avant et fixa un trépied à ventouses sur le tableau de bord sur lequel elle attacha son téléphone. Puis elle lança la diffusion d’un live intitulé « Get ready with me spécial road trip Perpignan » et commença à se maquiller en racontant un long épisode de sa courte vie.
Brendy et Jean attendaient Marie-Mireille pour la saluer avant le départ. Cette nuit de sommeil avait remis Jean sur pieds. Il avait à nouveau cet œil vif et cette stature imposante qui obligeaient Brendy à un douloureux effort pour ne pas le fixer en permanence en bavant.
La mère de Jean sortit de la maison vêtue d’une chemise et d’un pantalon de treillis, un sac sur le dos, un fusil en bandoulière et un revolver à la ceinture. Elle était coiffée d’une casquette de l’armée populaire chinoise, avec son étoile rouge flamboyant sur son front.
— Je vous remercie beaucoup pour votre accueil, dit Brendy. Votre fils est vraiment formidable.
— Tu parles, dit Marie- Mireille. J’ai tout fait pour élever John Connor et je me retrouve avec Hugo Clément.
— Merci maman, dit Jean. Sois prudente.
— Oui, faites attention, renchérit Brendy. Avec toute cette insécurité, il faut redoubler de vigilance.
— Mais qu’est-ce que vous racontez ? s’insurgea Marie-Mireille. Vous croyez pas que je vais vous laisser traverser tout seuls ce pays ravagé aux mains des extrême-centristes nazis. Je viens avec vous !
Et avant que quiconque put protester, elle avait déjà bondi à l’arrière de la camionnette et s’installait entre deux caisses de conserves. Jean et Brendy l’imitèrent, dépités, et Dominique appuya sur l’accélérateur.
Ils laissèrent derrière eux la pépinière Pépin, le village plus très féerique de Broutigny-le-Fort, et prirent la route du sud sous un soleil de plomb.
— Elle est vraiment géniale, notre petite équipe, lança PétuniaLove après quelques kilomètres, mais elle manque un peu de diversité. À part Dominique, qui est non-binaire, on est un peu tous des cis hétéros blancs.
— Dominique non-binaire ? s’étonna Brendy. C’est la personne la plus binaire que j’aie jamais rencontrée !
— Oui, confirma Dominique.
— Non mais je veux dire, c’est pas possible. Dans la vraie vie, il y aurait forcément un homosexuel et une personne racisée avec nous.
— Mais, on est dans la vraie vie ! On va quand même pas prendre un Noir en stop pour respecter les quotas.
— Si, justement, je me disais que ce serait bien. Il reste une place avec vous, derrière. Dominique, si tu vois un magrébin, ou même un Antillais, arrête-toi, ce serait mignon. Et si c’est une femme, ou un trans, ce serait encore mieux. C’est toujours très enrichissant l’intersectionnalité.
— Tiens, dit Jean, en parlant d’intersection, puisque Nevers est détruite, il faudrait peut-être tourner à la prochaine.
— Oui, dit Dominique.
